Elle a une Patek Philippe à un poignet, une Cartier à l'autre. Son nom et son prénom sont identiques, mis à part deux lettres. Sa grand-mère est polonaise, son grand-père était un soldat allemand, son autre grand-mère vit au Bristol, un luxueux hôtel parisien. Et elle est amoureuse du beau Carl, lui aussi élevé par une mère seule.

Bienvenue dans le monde de Bonnie Bonnet, une jeune écrivaine prometteuse qui partage sa chambre avec sa grand-mère au ronflement « hard rock », se trouve moche, n'a pas souvent envie de se laver mais garde un optimisme forcené face aux difficultés en apparence infranchissables de sa vie.

Susie Morgenstern est une spécialiste de la tendre effervescence de l'adolescence. Elle est notamment l'auteure de La première fois que j'ai eu 16 ans, porté à l'écran en 2004 avec un scénario qui a modifié l'âge de l'héroïne pour 20 ans, un portrait saisissant des frustrations et des promesses des débuts de l'âge adulte pour une femme.

« Elle pourrait même aller - elle l'a déjà fait - jusqu'à me jeter un seau d'eau froide au visage si je tarde trop [au lit]. Maman n'est pas une tendre. Pas étonnant que papa ait pris la porte. »

Au fil des aléas de son béguin pour Carl, Bonnie se pose une question fondamentale : « Pourquoi ma mère, ma grand-mère et même mon arrière-grand-mère ont toutes élevé seules un enfant unique ? Pourquoi ne restent-elles pas avec leurs hommes assez longtemps pour faire un deuxième enfant ? » Elle doit aussi affronter la couardise de son père, qui a fait deux jumeaux avec une autre femme, acariâtre, et dont la riche mère déteste toutes ses brus.

Mais Mme Morgenstern sait alléger l'atmosphère avec une version franchouillarde, fantaisiste, du happy ending de Hollywood. Bonnie finit par aller sur un vélo tandem avec Carl à un concours pour jeunes écrivains et tous les fils décousus de sa vie se rattachent. On est à des lieues de la fascination morbide d'un John Green pour les histoires d'amours tragiques et impossibles (Green s'adresse à un public légèrement plus âgé que Morgenstern).

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Le grand roman de ma petite vie

Susie Morgenstern

La Martinière

170 pages

4 étoiles