Certains se plaisent parfois à le comparer à Balzac et c'est vrai qu'il existe une certaine ressemblance physique entre l'auteur de Boussole, récompensé mardi par le Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires francophones, et le père de La comédie humaine.

Favoris broussailleux, cheveux en bataille, large carrure, Mathias Enard, 43 ans, est un écrivain qui ne passe pas inaperçu. Tout comme son oeuvre, d'une érudition et d'une originalité rares dans le monde des lettres.

Né en 1972 à Niort, dans l'ouest de la France, Mathias Enard est depuis toujours attiré par l'Orient. Arabophone, il parle également le persan, appris à l'université Chahid-Behechti de Téhéran. Avant de s'installer à Barcelone (depuis 2000) où il enseigne l'arabe, il a vécu à Berlin et à Beyrouth.

Toute son oeuvre est imprégnée d'Orient. Son premier roman, paru en 2003, La perfection du tir (ses livres sont tous édités chez Actes Sud) évoquait le Liban même si le pays où se déroule cette histoire n'est jamais nommé. Son roman Zone (2008) avait pour thème la violence de la guerre.

En 2010, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants (Goncourt des lycéens) parlait des échanges esthétiques et culturels entre Orient et Occident et Rue des voleurs (2012) racontait le destin d'un jeune réfugié marocain en Europe.

S'il ne se définit pas comme orientaliste, Mathias Enard reconnaît qu'à l'âge de 30 ans, c'était la littérature arabo-persane qu'il connaissait le mieux. «La relation à la langue arabe fait partie de moi», dit-il.

Mille et Une Nuits

Quand on l'interroge sur ce tropisme, il explique que cela vient d'une lecture d'enfance, le conte des Mille et Une Nuits, dont son roman Boussole se rapproche par la structure, un récit raconté pendant une nuit.

Le bac en poche, fasciné par les arts de l'islam, il apprend l'arabe pour les approcher au plus près. Son apprentissage le conduira au Caire mais aussi à Damas, Beyrouth et Téhéran.

Il songe naturellement à une carrière universitaire avant de se lancer en littérature. Écrivain exigeant, tous ses livres reposent sur des recherches phénoménales.

Ainsi, la bibliographie de Boussole représente «300 à 400 livres et quelques centaines d'articles scientifiques», a-t-il expliqué.

Au final, «c'est un roman, une histoire d'amour savante pour donner un côté érotique au partage du savoir», a-t-il déclaré mardi en recevant son prix.

Le romancier, également féru d'art contemporain, se donne aussi des contraintes. Dans Zone, qui se passe durant un trajet en train entre Milan et Rome, chaque page représente un kilomètre. Dans «Boussole», qui se déroule l'espace d'une nuit, chaque page correspond à 90 secondes.

Interrogé récemment par le magazine Lire, Mathias Enard a déclaré qu'il comptait fermer le cycle sur les rapports entre l'Orient et l'Occident avec Boussole. «Je souhaiterais maintenant m'intéresser à l'identité de la France», a-t-il dit.