Le torchon brûle entre Michel Houellebecq et Le Monde, l'écrivain estimant que la série d'articles que le quotidien vient de lui consacrer mettait en danger le travail des policiers chargés de sa protection, ce que conteste vivement le journal.

«La publication de mes habitudes de vie ne facilite pas le travail des policiers chargés de ma protection», a affirmé lundi dans une déclaration envoyée à l'AFP l'auteur, sous protection policière depuis la parution de son roman Soumission le 7 janvier, jour de l'attentat contre Charlie Hebdo.

Dans ce livre, il imagine l'arrivée du chef d'un parti musulman à l'Élysée en 2022 et suit la trajectoire d'un prof de littérature très «houellebecquien» jusqu'à la conversion de ce dernier à l'islam.

Les journalistes qui se livrent à ce genre d'investigation peuvent «devenir dangereux», a-t-il estimé.

«Savoir dans quel Monoprix je fais mes courses n'a pas une importance nationale», a-t-il affirmé en faisant remarquer que ses lecteurs «n'ont rien demandé (en plus de vingt ans, jamais je n'ai rencontré de lecteur indiscret)».

«Visiblement, Michel Houellebecq ne supporte pas de lire la moindre enquête journalistique à son sujet qui n'ait été autorisée par lui, voire déclenchée à son initiative», a réagi le directeur du quotidien, Jérôme Fenoglio sur le site de son journal.

Règlement de comptes

Michel Houellebecq, qui ne souhaitait pas que Le Monde publie une série dont il serait le sujet, a en revanche accepté de se confier au Figaro Magazine pendant tout l'été.

Dans la dernière livraison de l'hebdomadaire, il affirme notamment qu'il «aime beaucoup déambuler dans le centre commercial Italie Deux» dans le 13e arrondissement de Paris.

Le Monde a publié la semaine dernière une série de six articles revenant sur des épisodes de la vie de l'écrivain ces dernières années.

«Je devrais probablement porter plainte, mais surtout j'aurais dû le faire bien avant», affirme l'écrivain dans sa déclaration. «Si j'avais été moins paresseux sur le plan judiciaire, j'aurais peut-être gagné le droit qu'on me foute la paix», dit-il.

Michel Houellebecq dit ainsi regretter ne pas avoir porté plainte contre le journaliste Denis Demonpion qui a publié, en 2005, une biographie «non autorisée», qui, selon l'écrivain, portait atteinte à sa vie privée.

Il regrette aussi de ne pas avoir porté plainte pour diffamation contre le site Bakchich qui l'accusait de détenir un compte bancaire au Liechtenstein.

Mais c'est surtout contre la journaliste du Monde, auteure de la série, que Michel Houellebecq entend régler ses comptes.

«Une mise au point: je n'ai jamais refusé de parler au Monde, je garde par exemple un bon souvenir de Marion van Renterghem, et d'autres journalistes de ce quotidien; j'ai juste refusé de parler à Ariane Chemin», insiste l'auteur de La possibilité d'une île.

Jugeant ses articles précédents de «très bas niveau», dénonçant «beaucoup d'insinuations» et un «ton de sournoiserie malveillante», l'écrivain dénigre de fond en comble le travail de la journaliste.

«Loin de contenir la moindre affabulation, notre série repose sur des faits vérifiés et des témoignages recoupés. Loin d'être guidée par la «sournoiserie malveillante», elle n'a été sous-tendue par aucun parti pris. Loin d'avancer masquée, notre journaliste n'a reproduit aucun propos ou fait qui n'ait été obtenu sans l'assentiment de ses interlocuteurs», a répondu M. Fenoglio.

«Loin de prendre des risques avec sa sécurité, elle reste très en retrait de ce qui a déjà été publié - articles ou émissions de radio - avec l'autorisation de l'écrivain», a-t-il ajouté.

Dans sa déclaration, l'écrivain emploie, sans qu'on sache précisément qui il vise, le mot «parasite».

«La notoriété secrète ses parasites; mépriser les parasites sous prétexte qu'on se sent supérieur à eux, ça ne marche simplement pas», affirme Houellebecq. «Louis-Ferdinand Céline était médecin, et là-dessus il avait la même position que mon dermatologue», ajoute-t-il.

Dans une de ses lettres, écrites en 1942, Céline parlait de «jeter par-dessus bord» ceux qu'il qualifiait de «parasites».

Michel Houellebecq «compare les journalistes à des «parasites» qu'il conviendrait, si l'on comprend bien le sous-entendu, d'éliminer», s'est indigné M. Fenoglio en se réservant le droit de dresser un portrait de l'écrivain qui «ne ressemble pas tout à fait à la statue qu'il aimerait se voir sculpter».