L'Uruguay a rendu un dernier hommage mardi à l'écrivain et journaliste Eduardo Galeano, icône de la gauche latino-américaine décédée la veille, dont le cercueil a été exposé au Congrès avant son inhumation prévue en fin de journée.

L'auteur des Veines ouvertes de l'Amérique latine et de la trilogie Mémoire du feu s'est éteint lundi à l'âge de 74 ans, des suites d'un cancer, à Montevideo.

Des présidents, militants et intellectuels du monde entier ont salué la mémoire d'une «personnalité d'envergure nationale et internationale», selon les termes du président de l'Uruguay, Tabaré Vazquez.

«Je viens rendre hommage, dire au revoir à un grand Latino-Américain et à un écrivain brillant», a déclaré ce dernier mardi aux journalistes en arrivant au Congrès.

Eduardo Galeano «reste dans le coeur des Uruguayens et de tous les Latino-Américains» et son héritage n'est «pas seulement littéraire, mais aussi politique et éthique», a-t-il ajouté.

Mardi après-midi, plusieurs centaines d'Uruguayens ont défilé devant son cercueil recouvert du drapeau national et exposé dans la salle des Pas perdus du Congrès.

Paru en 1971 en espagnol puis traduit dans une vingtaine de langues, «Les veines ouvertes de l'Amérique latine», réquisitoire contre l'exploitation du sous-continent depuis l'arrivée des premiers colons espagnols, était devenu un classique de la pensée de gauche des années 70 et 80 puis de l'altermondialisme.

Ce livre, paru alors que Galeano avait 31 ans, «se voulait une oeuvre d'économie politique, mais je n'avais pas la formation nécessaire», avait-il commenté l'an dernier ajoutant: «Je ne regrette pas de l'avoir écrit, mais c'est une étape, pour moi, je l'ai dépassée.»

Un ouvrage posthume, intitulé Mujeres, devrait paraître dès jeudi en Espagne, selon sa maison d'édition Siglo XXI.

La femme «est un des éléments constants» de l'oeuvre de Galeano, a expliqué mardi à l'AFP Jesus Espino, éditeur espagnol de l'écrivain, et l'idée de l'ouvrage est de «récupérer les fragments les plus significatifs pour créer un livre cohérent et pouvant être lu avec un regard différent».

Un autre ouvrage, préparé par Galeano pour être diffusé après sa disparition, devrait paraître au cours de l'année.

Alors qu'il n'a jamais terminé sa scolarité, Eduardo Galeano a débuté sa carrière de journaliste à 14 ans, en publiant des caricatures dans l'hebdomadaire El Sol, du Parti socialiste.

Entre 1961 et 1964, il a dirigé la prestigieuse revue Marcha, repaire d'intellectuels, puis a pris la direction du journal de gauche Epoca (1964-1966).

Brièvement emprisonné dans la foulée du coup d'État militaire de 1973, il s'exile en Argentine puis en Espagne, avant de revenir en Uruguay au retour de la démocratie en 1985.

Atteint par la maladie, cet homme au physique imposant et au crâne chauve ceint d'une couronne de cheveux blancs, n'a cessé d'écrire ni de se livrer à ce qu'il considérait comme un devoir : la critique sociale.