Trois polars à découvrir commentés par le journaliste Norbert Spehner.

Bloody Cocktail: passions fatales

Une dose de cupidité, un soupçon de trahison et un zeste de luxure, tels sont les ingrédients sulfureux de ce Bloody Cocktail, un roman jusqu'alors inédit de James M. Cain, un des maîtres du roman noir américain.

Cette tragique histoire de crime et de passion, dont l'action se passe dans le Maryland au début des années 60, est racontée à la première personne par Joan Medford, jeune veuve soupçonnée d'avoir éliminé son mari violent et alcoolique.

Obligée de travailler comme serveuse dans un bar à cocktails, la voluptueuse jeune femme qui provoque la convoitise de tous les mâles environnants y rencontre Earl K. White III, vieil homme d'affaires richissime, et le jeune Tom Barclay dont elle tombe amoureuse.

Contre toute attente, elle accepte d'épouser le vieux barbon malade, qui meurt bientôt empoisonné. Une fois de plus, elle est dans la ligne de mire des policiers, mais est-elle coupable?

Petit chef d'oeuvre de duplicité, Bloody Cocktail propose une double finale retorse qui laisse pantois. Mais pour pleinement savourer l'ironie morbide du dénouement, le lecteur devra se souvenir de ce qu'était le thalidomide et de ses effets dévastateurs.

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Bloody Cocktail, James M. Cain, L'Archipel, 308 pages

Le détroit du Loup: crimes dans le Grand Nord

Avec Le Dernier Lapon, paru en 2012, Olivier Truc a remporté de nombreux prix littéraires. Ce polar exemplaire, dont l'action se déroule en Laponie, mettait en scène Klemet Nango, un agent de la police des rennes et sa jeune et jolie coéquipière Nina Nansen.

Les deux complices reviennent dans Le détroit du Loup, une nouvelle aventure qui, sans être inintéressante, n'a pas vraiment les qualités de la première.

La mort accidentelle d'un jeune éleveur de rennes, puis celle, très suspecte, du maire de Hammerfest, ville de l'extrême nord de la Laponie, les plonge au coeur d'une intrigue d'une grande complexité, avec en toile de fond la confrontation entre une industrie pétrolière en pleine expansion et le mode de vie traditionnel des éleveurs de rennes, menacés par les vautours de l'industrie.

Trop de personnages, trop de digressions ou d'intrigues secondaires nuisent à l'unité, à la cohérence de ce polar au rythme lent et où l'action tarde vraiment à décoller. Bref, le vieil adage «Qui trop embrasse, mal étreint» s'applique parfaitement à cette histoire un peu embrouillée, trop complexe, qui aurait gagné à être resserrée.

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Le détroit du Loup, Olivier Truc, Métailié, 410 pages.

J'ai vu mourir Kennedy: on a tiré sur le président!

Né à Québec en 1959, Claude Coulombe est un nouveau venu dans le petit monde du polar québécois et, d'entrée de jeu, il nous surprend avec J'ai vu mourir Kennedy, thriller de bonne facture dont l'élément central est l'assassinat de John F. Kennedy, à Dallas, le 22 septembre 1963.

Nombre de romanciers ont abordé ce thème parmi lesquels Don De Lillo avec Libra, Charles McCarry avec Les larmes de l'automne et plus récemment Stephen King, avec le remarquable 11/22/63.

Le thriller de Coulombe propose une double intrigue, dont la première met en scène Anthony Rosen, journaliste de Montréal qui s'est mis en tête de retrouver la jeune femme qui l'avait tiré d'un mauvais pas à Dallas, alors qu'il avait été séparé de sa mère dans le chaos de la fusillade.

Par ailleurs, nous suivons les tribulations de deux frères français, Max et Marcel, que les circonstances de la vie vont mener au Texas en ce jour fatidique où tout a basculé.

Certes, le sujet n'est pas très original, mais Coulombe a de réelles qualités de conteur et nous embarque allègrement dans cette histoire de complot menée à un bon rythme, avec ce qu'il faut de suspense et de rebondissements. Un nouvel auteur à surveiller...

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J'ai vu mourir Kennedy, Claude Coulombe, Éditions JCL, 386 pages.