Pour cette première chronique de la saison, j'aimerais d'abord rappeler, chers lecteurs, que ces petits textes ne doivent pas être pris comme des critiques littéraires. Il s'agit de billets humoristiques où la lecture d'un livre sert de trame de fond, en espérant toujours vous donner le goût de lire ledit livre...

Corbeau et Novembre est apparu dans ma bibliothèque il y a déjà quelque temps, mais je suis un metteur en scène de la vie, un très moyen, et mon but était de le lire en novembre. Un champion d'originalité.

Comment Corbeau et Novembre peut-il ne pas être un livre d'automne? me demandais-je. Mais comment Randy Cunneyworth peut-il ne pas être à la barre du Canadien pour toujours? me demandais-je aussi. Alors, je me suis permis de douter. J'ai fait un peu de taponnage littéraire. Le taponnage littéraire, c'est quand on tripote nos livres déjà achetés en lisant de courts passages, sans toutefois commencer une lecture officielle. C'est comme les fruits, j'en achète plein, mais je ne les mange pas tous... Mais de les acheter et de les palper un peu me donne demi-bonne conscience.

C'est en palpant Corbeau et Novembre que je me suis aperçu qu'il s'agit plutôt d'un récit d'été. Celui de 1984, en plus. Je dis «en plus», car c'est à la fin de l'été 1984 que ma famille a quitté Québec pour Montréal, le jour de mes sept ans. Ce qui donna lieu, la veille, à une absurde fête d'enfants sous le thème de l'amitié sans lendemain.

Dans l'histoire, Novembre n'est pas un mois, mais une femme. Et Corbeau n'est pas un oiseau, mais un bonhomme. Pendant l'été 1984, le jeune Charles-Alexandre Dulong gravite autour de quelques situations: un groupe d'amis, la maison de sa mère, Jocelyne et son fils Kevin, celui-ci incroyablement pas clair. Puis, on comprend rapidement d'où vient Kevin, mais l'idée m'a donné des frissons chaque fois que le sujet revenait.

Autres idées qui me donnent des frissons: un ours dans ma tente, un dégât d'eau en février, des choses viriles. Je ne veux pas que vous pensiez que j'ai le frisson facile. Je ne suis pas un easy-frisson, comme on dit. «On» inclut la personne qui parle, seulement.

Une deuxième histoire se déroule en parallèle de la première. Charles-Alexandre Dulong au présent, adulte, aujourd'hui, employé rigoureux et modèle d'organisation sans faille. Il commettra pourtant une bévue professionnelle qu'il tentera de camoufler sur un bon 200 pages et on reste accroché jusqu'au bout tellement on veut que ça se règle pour le mieux. On cherche si souvent à camoufler les faux pas de nos vies (achat de Crocs, couleur pastel, Jézabelle...) qu'on baigne dans l'empathie tout au long de la lecture.

Je connais le roman choral, mais quand il s'agit d'un système à deux voix qui se prêtent le micro à chaque chapitre, parle-t-on d'un roman choriste? Roman duo? Alfa Rococo? En fait, ici, la même voix raconte les deux histoires, le temps de verbe change.

Autre temps de verbe qui devrait changer: le présent par le passé, quand on parle du bottin téléphonique.

Plusieurs éléments comiques et dramatiques s'entremêleront tout au long de l'histoire. La réalité masculine d'une visite à l'urinoir dans des toilettes publiques surpeuplées côtoie le deuil et l'enlèvement d'un enfant. Habile mélange de comique et de tragique.

Autre habile mélange de comique et de tragique: une souris qui court avec sa trappe.

L'erreur professionnelle en question de CAD (c'est ici, dans mon texte, que disparaît le nom de Charles-Alexandre Dulong dans son intégralité) implique Hamel, un collègue fatigant. Je me suis épouvantablement retrouvé en CAD au niveau du rapport aux fatigants et vous vous y retrouverez sûrement aussi. À moins d'être vous-même un fatigant.

Beau portrait de la vie au travail. Je n'ai jamais eu de véritable emploi, mais je peux facilement imaginer le fatigant de bureau. Chaque entreprise doit posséder son fatigant. CAD déteste Hamel et on aime détester Hamel. Surtout quand il revient du gym, s'étire et grimace en se plaignant qu'il s'est encore trop donné...



Autre chose qu'on aime détester: le chocolat à l'orange. Je le hais, mais je veux qu'il survive pour continuer de le haïr.

Vu l'âge de l'auteur, le même que CAD, j'ai parfois soupçonné l'autofiction. Mais bon, quand j'aime une histoire, je me mets à souhaiter qu'elle soit arrivée pour vrai.

À la fin, l'auteur remercie «le groupe imprécis de gens qui m'ont apporté cette histoire». J'espère seulement que Hamel est précis. Je veux le haïr aussi!

Bonne lecture.

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Corbeau et Novembre. Stéphane Achille. XYZ. 438 pages.