On connaît Oscar Wilde le dandy, l'un des plus beaux esprits de son temps, l'invité des salons mondains, l'auteur du Portrait de Dorian Gray. On connaît moins sa déchéance, sa mise à mort sociale après un procès qui s'est retourné contre lui. À l'occasion du FIL, René Richard Cyr lira De profundis, la poignante lettre de Wilde adressée à son jeune amant, lord Douglas, du fond de sa prison. À ne pas rater.

Au cimetière du Père-Lachaise, à Paris, la tombe d'Oscar Wilde, mort précocement à 46 ans, en exil, est couverte de rouge à lèvres. Ses admirateurs lui rendent hommage par des baisers. Une tendre réhabilitation pour celui qui estimait être tombé dans la «fange la plus vile» et qui croyait siéger «entre Gilles de Rais et le marquis de Sade» pour l'éternité.

De star sociale à paria, voilà la chute d'Oscar Wilde. En intentant un procès pour diffamation contre le père de son amant, lord Douglas, Wilde s'est retrouvé dans une spirale infernale, et a été condamné à deux ans de travaux forcés en raison de son homosexualité.

Autres temps, autres moeurs

Le metteur en scène et comédien René Richard Cyr a déjà adapté pour la scène les procès d'Oscar Wilde. Cette fois, il veut faire découvrir l'autre Wilde, le poète-bagnard du cachot de la prison de Reading, qui écrit du fond de sa douleur. «Comme bien des ados, dit-il, j'ai découvert Oscar Wilde par Le portrait de Dorian Gray. Mais ce texte, De profundis, m'a vraiment bouleversé et ému. J'avais envie de le lire, et surtout de le faire connaître et entendre. Je le traîne depuis très longtemps.»

Avec le poème La ballade de la geôle de Reading, De profundis est l'autre texte célèbre du Wilde brisé par l'emprisonnement. On y découvre un homme détruit, déchiré entre son passé et la découverte spirituelle apportée par la douleur, aussi amoureux qu'amer.

«C'est un règlement de compte déguisé en lettre d'amour et vice versa, résume René Richard Cyr. Il est aussi très dur envers lui-même. Il se rend compte qu'il n'a pas misé sur les bonnes choses. Il y a aussi cette notion de la beauté et de la grandeur de la douleur. Après avoir assouvi tous ses désirs, il cherche quelque chose de plus profond dans la vie. C'est une histoire qui me fascine, autant par le sujet de l'homosexualité - c'est une victime connue - que, au-delà de cela, à cause de cet amoureux transi qui reconnaît sa valeur dans les yeux des autres et qui, tout à coup, est dans une solitude profonde. C'était un animal mondain formidable. Sa chute est encore plus troublante.»

L'homosexualité n'était probablement qu'un prétexte pour abattre Wilde, qui s'était montré impitoyable dans ses pièces envers l'hypocrisie de la société victorienne, selon René Richard Cyr. «Il avait une écriture très révolutionnaire pour son époque, il n'était pas dans la quiétude du tout, il démolissait des murs. Il attaquait vraiment le côté superficiel de la société bourgeoise. Mais il y avait aussi cette relation difficile entre lord Douglas et son père. C'est un petit drame qui prend des proportions énormes. Wilde a été le jouet de la rivalité entre un père et un fils.»

De profundis sera une lecture traditionnelle, car Cyr ne compte pas incarner Wilde, seulement faire entendre sa voix. «Cette lettre, c'est du grand romantisme. Il y a une puissance d'écriture qui, moi, me transporte. Je vais essayer de la lire avec beaucoup d'humilité.» Une rare occasion aussi de voir Cyr sur scène, juste avant qu'il ne soit absorbé par l'adaptation en anglais de la comédie musicale Belles-soeurs.

_____________________________________________________________________________

De profundis, lu par René Richard Cyr les 15 et 16 septembre, 21h, à la salle Claude-Léveillée de la Place des Arts

Qui est Oscar Wilde?

Né en 1854 à Dublin, Oscar Wilde est un écrivain britannique connu à son époque autant pour ses oeuvres que pour sa personnalité. L'homme fait scandale, mais on se l'arrache. Ses oeuvres les plus célèbres sont Salomé, Le portrait de Dorian Gray et De l'importance d'être constant. Ses pièces de théâtre sont populaires et brossent un portrait cynique de son époque, tandis que ses maximes et pensées sont encore citées de nos jours. Au terme d'un procès intenté contre le père de son amant, qui va se révéler désastreux pour lui, Wilde est emprisonné en 1895 et meurt à l'âge de 46 ans à Paris, dans la pauvreté et la solitude.