Que lire cet été? Voici plus de 20 suggestions de livres à savourer pendant la saison chaude, quel que soit le contexte dans lequel vous vous trouvez. Bonne lecture!

À LA PLAGE

Métis Beach, Claudine Bourbonnais. Boréal, 456 pages.

La journaliste Claudine Bourbonnais a toujours regretté d'être née trop tard pour vivre le grand bouleversement social des années 60. C'est de ce regret qu'est né Métis Beach, un beau gros roman très influencé par les romans américains, qui se déploie depuis Métis Beach en Gaspésie jusqu'à Los Angeles et New York, des années 60 jusqu'à nos jours. Au coeur de ce roman générationnel, le personnage de Romain Carrier, un jeune Gaspésien parti de rien qui vivra à la puissance 100 ce que son auteure n'a pas vécu, avec en prime, des rencontres surprises avec Dylan, Kerouac et Betty Friedan.

- Nathalie Petrowski



Ici et maintenant, Ann Brashares. Gallimard, 219 pages.

Pour le plus grand nombre, Ann Brashares est l'auteure de l'excellente série Quatre filles et un jean. Avec Ici et maintenant, elle semble plonger de façon opportuniste dans la vague dystopique déclenchée par Hunger Games. Erreur. Elle conjugue ici le présent au futur sombre de l'humanité, le voyage dans le temps à l'amour et la loyauté familiale. Ce, à travers l'histoire de Prenna, qui vient d'un futur dévasté et se cache aujourd'hui; et Ethan, qui surprend par hasard son arrivée en notre temps. Une histoire belle, émouvante, originale et intelligente.

- Sonia Sarfati



Terminus Tel-Aviv, Liad Shoham. Les Escales noires, 378 pages.

Avocat en Israël, Liam Shoham est aussi l'auteur de polars le plus reconnu de son pays. Terminus Tel-Aviv est son deuxième traduit en français. À Tel-Aviv, Michal Poleg, la plus acharnée des militantes à défendre les droits des demandeurs d'asile africains, est retrouvée assassinée. L'enquête est confiée à l'inspectrice novice Anat Nahmias. Un immigrant éthiopien passe aux aveux, mais la jeune policière pense qu'il est la victime d'un complot et met tout en oeuvre pour prouver son innocence. Avec un personnage principal particulièrement attachant, ce polar passionnant propose une plongée infernale dans les camps de réfugiés africains de Tel-Aviv.

- Norbert Spehner, collaboration spéciale

Rendez-vous à Estepona, Åke Edwardson. JC Lattès, 280 pages.

L'auteur des enquêtes du commissaire Erik Winter met de côté le froid suédois de Göteborg et ses policiers désabusés dans ce thriller où même le suspense semble s'accorder à la langueur typiquement méditerranéenne de la Costa del Sol. Peter Mattéus, publicitaire et père de famille en apparence sans histoire, craint le pire lorsqu'il reçoit de mystérieuses enveloppes. Traqué, il est contraint de quitter la Suède pour l'Espagne, où l'attend une mission dont il ne connaîtra la vraie nature qu'au dernier moment. Même si l'intrigue, linéaire, n'offre que peu de rebondissements, l'histoire est prenante et se lit d'une traite.

- Laila Maalouf



À l'été qui commence!, Silvia Soler. Robert Laffont, 250 pages.

Le premier roman traduit en français de cette prolifique écrivaine catalane est un hymne à la vie. L'amour, l'amitié et la famille sont au coeur du récit qui s'étend sur une cinquantaine d'années, à partir de 1961. Sur la plage, les amies Roser et Elvira font des projets d'avenir pour leurs enfants qui naîtront bientôt. À travers les petits bonheurs éphémères du quotidien et les coups durs de l'existence, les enfants grandissent et un rituel s'installe: le toast que les deux familles portent ensemble à l'été qui commence. L'écriture légère est enrobée de tendresse et de la douceur des soirs d'été dans le jardin.

- Andrée LeBel

AU BORD DE LA PISCINE

La position, Meg Wolitzer. Sonatine, 398 pages.

1975. L'innocence des enfants Mellow prend fin abruptement avec la découverte d'un guide du plaisir amoureux cosigné par leurs parents. Ellipse. 2003. Après un succès en librairie retentissant et un divorce médiatisé, Roz et Paul ont refait leur vie. Leurs quatre rejetons sont devenus des adultes avec leur lot de névroses et de contradictions, incapables de se soustraire à l'emprise que leurs géniteurs exercent involontairement sur leur vie affective et sexuelle. Si la construction du récit pèche par son artificialité, l'humour incisif de Meg Wolitzer et sa capacité à donner corps aux personnages de cette saga, aux accents de thérapie familiale, pulvérisent toutes les réserves.

- Cécile Amara



Tabloid Circus, Kent Harrington. Denoël, 412 pages.

Dépressif et alcoolique, Stanley Jones est reporter pour le tabloïd britannique Royal. Il est envoyé en mission à Tortola, dans les îles Vierges, pour couvrir la disparition d'une jeune touriste américaine. Bien décidé à découvrir la vérité, Jones va collaborer avec Lawrence O'Connor, le chef de police, dont l'enquête est compliquée par la présence de dizaines de paparazzis et des interférences politiques: le pouvoir local est sous la coupe de Washington et le FBI veut régler l'affaire au plus vite. Les deux hommes sont happés dans une spirale de mensonges, d'espionnage et de manipulation. Passionnant, avec un dénouement à glacer le sang!

- Norbert Spehner, collaboration spéciale



Le souffle court, Massimo Carlotto. Éditions Métailié, 203 pages.

Si la mafia trempe «habituellement» dans la drogue, le blanchiment d'argent et le proxénétisme, l'auteur italien l'élève ici à un niveau international. On y suit l'histoire de quatre amis - un Indien, un Russe, un Italien et une Suisse - qui décident de s'affranchir de leurs parents par le vice économique planétaire. Les voici à Marseille, plaque tournante du crime européen, préparant un grand coup. Mais la surveillance et les méthodes illégales de l'inspectrice Bernadette Bourdet, fan finie de Johnny Hallyday, viendront contrecarrer leurs plans. Le souffle court est un roman noir regroupant des personnages violents prêts à tous pour faire leur place sous le soleil marseillais.

- Philippe Beauchemin



L'aquarelliste, Beatrice Masini. Fidès, 377 pages.

Alessandro Manzoni est l'un des phares de la littérature italienne et c'est à ce géant que s'attaque Beatrice Masini, auteure de livres pour enfants et traductrice d'Harry Potter en italien. L'aquarelliste trace le portrait de l'Italie bourgeoise et artistique du début du XIXe siècle. On suit une jeune peintre récemment orpheline qui est engagée par un poète inspiré de Manzoni pour faire le portrait de son jardin. De la campagne lombarde à Milan, Bianca se débat entre ses émois, sa peinture et sa fascination pour cette grande famille dysfonctionnelle qui l'accueille. Masini est très efficace, avec moult métaphores fleuries mais précises, et campe ses personnages comme autant d'archétypes. Comme dans Harry Potter.

- Mathieu Perreault



L'imprimeur doit mourir, Vic Verdier (Simon-Pierre Pouliot). Éditions XYZ, 334 pages.

Quand un auteur prend comme nom de plume celui du protagoniste de son récit et que celui-ci emprunte lui-même une fausse identité pour rédiger les aventures de son héros, on comprend que le polar que l'on tient entre ses mains n'en est pas un. Ce livre nous plonge dans le Québec de 1919 sur fond de compétition fraternelle après la mort du riche paternel. L'illusion, le complot et l'amour se développent à travers une écriture légère, où le joual parlé par les personnages ne semble jamais de trop. Et le récit est parsemé de chapitres du feuilleton d'aventures créé par le personnage principal, ce qui donne au lecteur deux livres pour le prix d'un.

- Jean-François Villeneuve

AU CHALET

Ce que murmurent les collines, Scholastique Mukasonga. Gallimard, collection «Continents noirs», 139 pages.

Contes inspirés des croyances rwandaises, ces nouvelles renouent avec la tradition orale. On y découvre la mythique rivière Rukarara, source du Nil, un arbre sacré détruit par les prêtres blancs pour dresser une croix, un pygmée doué pour l'école, des jeunes filles qui réussissent l'examen national; mais aussi les modes de vie dans les cases: les pluies ou la sécheresse, les enfants qui meurent en bas âge, l'importance de posséder une vache. Situés au moment où le Rwanda voit sa culture balayée par la colonisation belge, on lira avec plaisir et curiosité ces récits, précieux témoignage d'une Afrique qui nous demeure trop largement méconnue.

- Marielle Bedek



Escalana Les villages assoupis - tome 3, Ariane Gélinas. Lycanthrope, 173 pages.

Que diriez-vous de découvrir les villages fantômes du Québec? Ariane Gélinas est l'auteure de la trilogie Les villages assoupis, dont le troisième tome, Escalana, vient tout juste de paraître, après Transtaïga et L'île aux naufrages. Cette fois, l'auteure nous amène en Haute-Mauricie, où une mine abandonnée près du réservoir Gouin recèle bien des mystères. Ambiance gothique, écriture précieuse, éléments fantastiques, le plus beau de l'affaire est que les villages dont parle Gélinas ont vraiment existé et renaissent par ses fictions tout à fait originales. Et il est possible de lire la trilogie dans le désordre, chaque tome ayant sa propre vie, tout en partageant la même étrangeté...

- Chantal Guy

 

Allmen et les dahlias, Martin Suter. Belfont, 189 pages.

L'auteur suisse Martin Suter ramène pour la troisième fois le détective Johann Friedrich von Allmen, aristocrate sur la paille devenu chasseur d'oeuvres d'art. Toujours avec l'aide de son domestique guatémaltèque Carlos, l'éternel dandy doit retrouver un tableau de Fantin-Latour volé à une vieille milliardaire. Cet élégant polar hors du temps nous entraîne d'un palace démodé de Zurich au bar d'un hôtel sans âge de Biarritz, dans un monde où l'argent dicte sa loi et où même les motivations du héros ne sont pas nettes. Pas besoin d'avoir lu les deux premiers pour apprécier, mais un blitz Allmen est une promesse de plusieurs heures de plaisir décalé.

- Josée Lapointe



Il est de retour, Timur Vernes. Belfond, 405 pages.

On le croyait mort. Il renaît - littéralement - de ses cendres. Nous sommes en 2009 et Hitler est de retour. Un temps, il se croit encore en 1945. Scandalisé face à tous ces Turcs dans le pays. Et cette femme à la tête de l'État. Au bout d'un moment, l'ancien dirigeant nazi comprend qu'il a fait un bond dans le temps. Certaines choses n'ont pas changé. Comme l'«inoxydable social-démocratie». Mais grâce aux médias, Hitler reprendra son ascendant sur le peuple allemand. Drôle quoiqu'un peu répétitif, ce conte euro-trash constitue un miroir nous montrant les travers de notre modernité. Et les dangers de propagande associés aux innombrables outils de communication.

- André Duchesne

Batman Année Un: Édition 75 ans, Frank Miller et David Mazzuchelli. Urban Comics/DC Essentials, 120 pages.

La Genèse Urban Comics a lancé le mois dernier une édition de collection de cinq albums essentiels de Batman. Sa particularité? Ses magnifiques planches en noir et blanc, au dessin gracieux et épuré, qui magnifient l'esprit manichéen de la série créée par Bob Kane (1939). Un titre incontournable parmi ces classiques? Batman - Année Un (1987). Dans ce récit choral, Frank Miller et David Mazzuchelli ne se bornent pas à raconter la genèse de l'homme chauve-souris. Ils expliquent pourquoi se sont entrecroisés les destins de Bruce Wayne, de James Gordon, d'Harvey Dent et d'autres personnages récurrents de la série. Une bible.

- André Laroche

EN VILLE

Ceux du Nord-Ouest, Zadie Smith. Gallimard, 408 pages.

Les fresques sociales n'ont jamais été aussi intimistes que sous la plume de Zadie Smith. Avec Ceux du Nord-Ouest, l'écrivaine britannique fait le portrait de tout un quartier populaire - celui de Kilburn, au nord-ouest de Londres - , mais surtout celui d'une amitié féminine troublante d'ambivalence. Même si l'action se déroule principalement sur quelques kilomètres carrés, on a parfois l'impression de lire une épopée: celle de la longue (et impossible?) marche vers l'autre. L'oeuvre qui en résulte est lucide et sans pitié, mais jamais misanthrope. 

-Maude L'Archevêque



Crème anglaise, Kate Clanchy. Feux croisés, 268 pages.

S'inspirant de sa propre arrivée à Londres à la fin des années 80, l'Écossaise Kate Clanchy offre une oeuvre amusante dans laquelle elle se moque avec tendresse de la société londonienne à travers le regard de Struan, un Écossais de 17 ans qui n'a jamais dépassé les frontières de son pays jusqu'au jour où se présente l'occasion de travailler pour un «géant de la littérature» qu'il admire. L'arrivée de ce personnage naïf et serviable chamboulera tout dans la famille du dramaturge où se mêlent enfants gâtés et femmes égoïstes et vénales en 1989, année où les murs s'écroulent, où les tyrans sont fusillés et où la canicule sévit.

- Erika Peter

Mille excuses, Jonathan Dee. Plon, 280 pages.

Une famille de classe moyenne d'une banlieue normale qui explose parce que le mari, Ben, ne supporte plus que sa vie soit si «prévisible». Jonathan Dee, grand détecteur des fissures de la société américaine, dissèque les effets de cette déflagration sur la mère, Helen, qui doit retourner sur le marché du travail, et la fille du couple, Sara, ado lucide enfermée dans sa bulle. Scandale, rédemption, célébrité, recherche de vérité, Mille excuses parle d'un monde impitoyable et superficiel avec une précision sans états d'âme, même si l'auteur accorde à ses personnages un peu plus d'empathie qu'avant. Un portait fin et brillant qui fait souvent mal, mais prenant jusqu'à la dernière page. 

- Josée Lapointe



Entre les jours, Andrew Porter. Éditions de l'Olivier, 393 pages.

Rien ne va plus chez les Harding. Usé par des années de mariage et de frustrations, le couple parental éclate. Leur fille Chloé, de son côté, s'est fait renvoyer de l'université pour un motif guère glorieux. Poète en devenir, le fils, Richard, perd quant à lui le goût de vivre. Écrite avec beaucoup d'efficacité, cette chronique familiale distille un suspense prenant. Décrivant une certaine Amérique contemporaine, Entre les jours brosse le portrait d'une famille atteinte du mal de vivre. Ce roman échappe à la caricature grâce à sa finesse d'écriture et à une psychologie très réaliste de ses personnages principaux.

- Anabelle Nicoud

POUR LES JOURS DE PLUIE

Les portraits de Joséphine, Tara Conklin. Recto Verso, 488 pages.

L'avocate Lina Sparrow a toujours cru que sa mère était morte mystérieusement. Du moins jusqu'à ce qu'elle se retrouve avec un dossier de descendants d'esclaves et l'histoire d'une jeune femme nommée Joséphine. À 17 ans, elle a fui une plantation où elle avait la protection de la maîtresse, peintre de la maison. Or, l'esclave avait aussi un don pour la peinture... Voilà un premier roman réussi: une histoire de révisionnisme historique qui pourrait être adaptée au cinéma. Prévisible, mais haletant d'un bout à l'autre.

- Émilie Côté

Mr Gwyn, Alessandro Baricco. Gallimard, 184 pages.

Jasper Gwyn, écrivain britannique qui connaît un certain succès, annonce qu'il ne publiera plus jamais de livres. Que fera-t-il alors? Après quelques errances, il décide qu'il écrira des portraits, pour «ramener chez elles» les personnes qui poseront pour lui. Il organise alors son atelier et sa nouvelle vie avec un soin maniaque - jusqu'à un grand dérapage. Dans ce roman qui aurait pu être mélancolique mais qui est finalement plutôt amusant, la plume élégante et légère d'Alessandro Baricco nous parle de création, de fidélité et d'art. Et laisse habilement planer le mystère sur Gwyn et son oeuvre, écrivain archétypal, à la fois égocentrique et observateur attentif, à qui on pardonne tout...

- Josée Lapointe



Le muret, Fraipont et Bailly. Casterman/écritures, 190 pages.

Rosie n'a pas encore 14 ans, mais elle doit se débrouiller seule. Son père passe sa vie en voyage d'affaires et, lassée d'attendre, sa mère a plié bagage. Déboussolée, l'adolescente éduquée par les religieuses découvre le plaisir de repousser, peu à peu, les limites morales: le mensonge, la petite délinquance, l'abstinence sexuelle... Pour Rosie, de quel côté du muret se trouvent le Bien et le Mal? Avec un dessin épuré en noir et blanc, ce récit doux-amer esquisse avec clarté la recherche de soi à cet âge délicat. Les planches silencieuses, insérées ici et là, laissent place à la réflexion. À lire au chalet, un après-midi de pluie.

- André Laroche

Qu'attendent les singes, Yasmina Khadra. Julliard, 355 pages.

Avec ce nouveau roman, Yasmina Khadra (Les hirondelles de Kaboul) peint une sombre fresque de l'Algérie postrévolutionnaire. Le roman s'ouvre sur le meurtre d'une étudiante que l'équipe du commissaire Nora Bilal tentera de résoudre. Mais au-delà de l'enquête, l'auteur use de son style métaphorique et poétique pour dresser un état des lieux amer de son pays natal. Avec subtilité, mais sans vergogne, il dénonce à travers ce polar frôlant le thriller politique, l'abus de pouvoir des dirigeants, les dérives de l'élite et la corruption qui bâillonnent toute l'Algérie. Khadra, armé de sa plume aiguisée, livre une oeuvre remarquable et effroyable, qui laisse une troublante question en suspens: mythe ou réalité?

- Anicée Lejeune