Toujours aussi drôle et décapant, Serge Chapleau publie cet automne son 19e album Année Chapleau, qui réunit ses meilleures caricatures de 2011. S'il est content du résultat, comme d'habitude, il avoue que le chiffre 19 lui a donné un coup. «Ça m'a fait voir que le temps passe et j'ai trouvé ça brutal. En prévision du 20e, j'ai commencé à faire de la recherche dans mes vieux dessins et j'ai réalisé que ça fait longtemps que je fais ça! J'ai publié pour la première fois dans Perspectives, en 1972...»

Mélancolique, Serge Chapleau? Le caricaturiste de La Presse et père de Gérard D. Laflaque, qui aura 66 ans la semaine prochaine, aime toujours autant son boulot. «Imagine, je suis payé pour faire des petits bonshommes!»

Mais s'il ne parle pas de retraite pour le moment - «Je connais des gens qui ont arrêté de travailler et qui n'auraient pas dû. Je ferais quoi, passer mes journées au centre commercial?» -, il ajoute, comme chaque année: «On verra l'an prochain.»

La vie de Chapleau est trépidante en ce moment, entre son travail à La Presse et la préparation du show de fin d'année de Gérard D. Laflaque, qui s'intitulera Pour une poignée de bâtards... «Ce sera un spécial western. Tout tournera autour de ce thème. Comme dans un film de Sergio Leone, il y aura un saloon, un bordel, une église, des combats...»

Dans cette émission spéciale présentée à Radio-Canada le 31 décembre, Gérard D. Laflaque découvrira un gisement de gaz de schiste. En une nuit, toute une ville se construira autour de cet emplacement: ce sera la naissance Schisteville. Évidemment, tout le monde viendra faire son tour, tous les «vieux de la vieille» ainsi que les nouveaux politiciens de cette saison, Bob Rae, Maxime Bernier et François Legault.

L'émission de fin d'année de Gérard D. Laflaque nécessite beaucoup de travail sur une très longue période: le thème est trouvé depuis février, la préparation est commencée depuis l'été, et l'équipe se garde quelques «parenthèses» pour faire des ajouts jusqu'au 17 décembre. Ce qui permettrait, par exemple, de faire dire à Pauline Marois: «J'étais chef, mais je suis encore là...»

«Je veux beaucoup, beaucoup qu'elle reste en poste», lance Chapleau en rigolant.

Inspiration continue

L'actualité fait que le caricaturiste ne manque jamais d'inspiration. «Ça dépend toujours d'eux autres! dit-il en parlant des politiciens. Il se passe toujours quelque chose, sauf l'été, où il reste juste Denis Coderre...»

Chaque année, pourtant, Serge Chapleau débarque dans le bureau de son éditeur en l'avertissant, à la blague, ne pas avoir assez de «bon stock» pour en faire un livre. «Puis, on fait le tour de ce que j'ai publié, et à la fin, il y en a quand même un!»

Son constat: 2011 aura été une bonne année, comme toutes les autres. Pas pire, pas meilleure. «Des scandales, de la corruption, les caricaturistes s'y intéressaient sous Macdonald ou sous Saint-Laurent. La seule différence, aujourd'hui, c'est que l'information circule plus vite.»

Chapleau n'est donc pas déprimé par l'actualité. Il est assez vieux pour en avoir vu d'autres. «Et puis, si tu regardes sur un an, Charest a fini par en créer une, une commission d'enquête sur l'industrie de la construction!»

Sans prendre parti ni passer de message, celui qui est passé maître dans l'art de réunir deux nouvelles dans une même caricature estime que son travail est seulement «d'exagérer la triste réalité».

Pour cette raison, les cônes orange sont probablement les vedettes de l'année: on les retrouve partout, dans tous les contextes, dont une rigolote petite famille qui expliquerait leur multiplication dans la grande région montréalaise. «Mais, ma vedette à moi, c'est DSK. Je suis particulièrement fier de cette caricature où, pour fêter sa libération, il commande du champagne pour deux et quelqu'un pour faire la chambre.»

Harper à la une

Pour Serge Chapleau, il était logique que Stephen Harper soit sur la couverture du livre: il a choisi celle où le premier ministre canadien est déguisé en reine d'Angleterre. «Il faut que la couverture puisse durer. Stephen Harper est là pour un bon bout, et la tangente prise par son gouvernement ne devrait pas changer... De la même manière, il y a des sujets très hot pendant quelques jours, mais qu'on ne retient pas pour le livre parce qu'on n'en parle plus du tout quelques mois plus tard.»

Chapleau connaît sa politique, «mais pas dans le détail» comme ses collègues de l'équipe éditoriale, souligne-t-il. «J'y vais au feeling. Je mets en évidence ce que les gens perçoivent. J'ai le talent d'exagérer les défauts et les qualités.»

Tout un talent, en effet.

«Ma vedette à moi, c'est DSK», raconte Serge Chapleau, qui se dit «particulièrement fier» de cette caricature.