Allons-y d'emblée avec une affirmation forte: L'Honneur d'Edward Finnigan, du duo suédois Roslund&Hellstrom, est un des meilleurs romans policiers publiés cette année! Rarement un récit de ce genre me sera-t-il autant rentré dans le corps que cette tragique histoire d'erreur judiciaire et de vengeance qui vous prend aux tripes et vous laisse songeur bien après avoir terminé votre lecture.

Aux États-Unis, Edward Finnigan n'a qu'une obsession: l'exécution prochaine de John Meyer Frey, le meurtrier présumé de sa fille. Mais sa soif de vengeance est contrariée quand le condamné meurt d'une crise cardiaque avant le jour fatidique. Quelques années plus tard, sur un ferry reliant la Suède à la Finlande, John Schwarz, chanteur médiocre, s'en prend à un passager qui importunait une jeune femme et le tabasse sauvagement.

Intrigué par le rapport de police, le commissaire Ewert Grens décide d'enquêter sur l'agresseur. Ce qu'il découvre va relancer une ancienne affaire qui prend soudain un tour tout à fait inattendu. Dès lors, le lecteur est entraîné dans les méandres d'une intrigue ingénieuse, originale, riche en émotions fortes et en tension dramatique, dans laquelle les auteurs s'interrogent sur les notions de vengeance personnelle et de justice, et sur la valeur éthique de la peine de mort. Le dénouement est un véritable coup de poing qui nous laisse pantois.

Ce polar exceptionnel (le troisième après La Bête et Box 21) est la preuve évidente que l'on peut défendre une cause, exposer des idées complexes, sans pour autant sacrifier l'histoire, qui est ici particulièrement bien pensée. Remarquable et prenant...

Polar danois

La nouvelle coqueluche du polar danois s'appelle Jussi Adler-Olsen. Miséricorde (le titre original, plus approprié, est La femme dans la cage) est son premier roman (couronné meilleur polar scandinave) et le début d'une longue série mettant en vedette le Département V. Pour se débarrasser de Carl Morck, un flic cabochard, réfractaire au travail d'équipe (refrain connu...), ses supérieurs l'ont relégué aux oubliettes du Département V, dont la «mission» est de réexaminer de vieilles affaires jamais résolues.

Morck est à la fois le chef et le seul membre de ce nouveau service logé loin dans les sous-sols. On lui a adjoint un homme à tout faire, un mystérieux réfugié syrien au passé louche nommé Hafez el Assad qui nous révèle d'étonnants talents d'analyste et de limier, et cela même s'il n'est pas policier. Ensemble, ils vont s'intéresser à la disparition, il y a cinq ans, d'une politicienne très populaire dont l'enlèvement et la tragique aventure sont racontés en parallèle. Miséricorde est un polar très divertissant, riche en action, dans lequel le personnage d'Assad vole la vedette en y apportant à la fois une touche humoristique et un élément de mystère. Un très bon début pour une série prometteuse...

Facilité impardonnable

Le Chinois, de Henning Mankell, est un polar mal ficelé et plutôt décevant. L'histoire commence en force, avec le massacre à l'arme blanche de 19 personnes dans un bled perdu du nord de la Suède. Malheureusement, l'enquête policière, menée par la policière Vivi Sundberg et la juge Birgitta Roslin (pas très crédible) s'enlise rapidement, flirte avec l'improbable, voire l'invraisemblable, pour tomber dans une facilité impardonnable: le coupable est trouvé rapidement grâce à une providentielle caméra de surveillance.

De toute manière, un Chinois, seul client d'une auberge dans un bled perdu du nord de la Suède, a de fortes chances de passer pour un suspect! À l'instar d'un John le Carré dans ses dernières oeuvres, Henning Mankell dénonce les agissements suspects de la Chine en Afrique, où elle envisage d'envoyer quatre ou cinq millions de ses paysans pour cultiver les bonnes terres laissées à l'abandon. À juste titre, Mankell y voit une nouvelle forme de colonisation. Contrairement à l'opus de Roslund&Hellstrom évoqué précédemment, la thèse prend ici le pas sur l'intrigue, qui en souffre. La machination géopolitique est intéressante, certes, et Mankell est toujours un excellent conteur, mais Le Chinois n'est vraiment pas un bon roman policier.

L'Honneur d'Edward Finnigan

Roslund&Hellström

Presses de la Cité, 454 pages, 32,95$

*****

Miséricorde

Jussi Adler-Olsen

Albin Michel, 490 pages, 32,95$

****

Le Chinois

Henning Mankell

Seuil, 560 pages, 34,95$

** 1/2