La première serveuse automate de Starmania parle de sa terre aimée en évoquant le souvenir des ses aïeuls et le destin de leur descendance. Un récit qui ne manque pas de couleur.

Fabienne Thibeault vit en France depuis plusieurs années. Là-bas, elle se bat pour la valorisation des terroirs et la défense de la ruralité. Chez nous, sa toute première chanson, qui ouvrait son premier album, paru en 1976, était à cet égard quasiment prémonitoire: Chu ben loin, pourtant c'est là souvent dans tous mes souvenirs d'enfant heureux...

«Rien ne me prédestinait à faire ma vie en France, explique-t-elle en entrevue à La Presse. Les circonstances ont fait que mon destin s'est tracé là-bas. Mais je reste fidèle. On ne doit rien à son pays, sinon la fidélité du coeur.»

Fabienne Thibeault a publié récemment La fille du Saint-Laurent, un récit retraçant sa légende familiale et l'histoire des familles canadiennes-françaises ayant peuplé les «quelques arpents de neige», abandonnés par Louis XV au XVIIIe siècle. L'histoire ancienne rejoint ainsi celle des enfants de la Révolution tranquille. Le récit est ponctué d'anecdotes liées au monde du spectacle, particulièrement celles sur la création de Starmania, il y a... 33 ans!

«Il n'était pas question pour moi de me lancer dans une autobiographie, précise-t-elle. Mon destin n'est pas si exceptionnel. Et je suis encore un peu trop jeune pour me prêter à ce genre d'exercice. Le fait de retracer le fil de la mémoire familiale à travers un récit me permettait d'emprunter un regard plus large.»

Tremblay «aux trois quarts», Fabienne Thibeault évoque beaucoup dans son bouquin le pays de Charlevoix, d'où viennent ses parents et ses aïeux. Elle fait aussi écho à ce moment charnière - les années 50 - où les paysans ont délaissé leurs terres pour aller s'installer dans les quartiers ouvriers de la grande ville.

Digne héritière d'une famille de conteurs, Fabienne Thibeault a une belle plume. C'est en outre grâce à cette aisance littéraire qu'elle peut aborder sans complaisance des aspects plus intimes de sa vie et de celle de ses proches.

«J'ai écrit des pages après la mort de mon père, il y a quelques années, et j'y ai trouvé un effet très libérateur, révèle-t-elle. Même sur le plan physique. J'ai fait lire ces pages à une amie digne de confiance et de là est née l'idée de ce récit.»

Que ce soit à propos de la confidence intime que lui a faite son père peu de temps avant sa mort, d'un épisode étonnant en compagnie d'un éminent producteur de cinéma, ou du destin d'un vil potineur qui, deux jours après avoir reçu sa missive, est tombé raide mort, l'auteure prend visiblement plaisir à raconter ses histoires. Son livre, clairement destiné à un public français, garde néanmoins sa pertinence pour le lecteur d'ici. Fabienne Thibeault évoque en effet l'histoire de notre passé, peu enseignée dans un pays dont la devise est pourtant «Je me souviens».

Et la chanson?

Promue en 2006 officier du Mérite agricole pour services exceptionnels rendus à la promotion des terroirs en France, Fabienne Thibeault exerce encore aujourd'hui son métier de chanteuse à la faveur de spectacles conçus de façon plus artisanale. Pas question pour elle de retourner dans une dynamique, où les artistes doivent impérativement produire un album et faire ensuite une tournée.

«Je n'ai jamais eu cette drive-là, dit-elle. Je ne veux pas non plus être celle qui attend l'appel du grand auteur qui a une nouvelle chanson à lui proposer. À vrai dire, la mort accidentelle de mon producteur Gilles Talbot, en 1982, a changé bien des choses. Quand Gilles est parti, plus rien n'a été pareil pour moi. Et je me suis rendu compte que je n'avais pas nécessairement envie d'exercer le métier de la même façon. J'aurai 60 ans l'an prochain. Il me reste une dizaine d'années actives devant moi, peut-être plus si je suis chanceuse. Et il y a tant de travail à faire pour assurer la survie de nos terroirs.»

La fille du Saint-Laurent

Fabienne Thibeault

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