L'écrivain français Bernard Clavel est mort mardi matin à 87 ans.

Le lauréat du prix Goncourt 1968 pour Les fruits de l'hiver s'était fait particulièrement connaître au Québec avec les romans du cycle Le royaume du Nord, sur la colonisation de l'Abitibi. Cette fresque lui avait valu d'être fait Chevalier de l'Ordre national du Québec en 2002. Il était marié à l'écrivaine québécoise Josette Pratte.

Né dans une «maison sans livres» du Jura, il a bâti une oeuvre riche de près de 90 titres, essentiellement des romans mais aussi des essais, des nouvelles et de nombreux ouvrages pour la jeunesse.

Autodidacte ancré sur ses terres du Jura ou des pays du Rhône, Bernard Clavel était l'auteur d'une oeuvre humaniste qui a rencontré un vif succès populaire. Ses livres marqués par le réalisme social se sont vendus par millions et ont fait l'objet de plusieurs adaptations pour la télévision et le cinéma. Il était encore classé le troisième écrivain préféré des Français, selon un sondage paru en 1997.

Personnalité engagée et non conformiste, militant de la paix et des droits de l'homme, il a mené sa carrière à l'écart du milieu littéraire parisien, mis à part ses années d'académicien Goncourt (1971-1977). Plus à l'aise dans les grands espaces que dans les salons, il puisait son inspiration dans une jeunesse turbulente et dans la nature qu'il vénérait: son Jura natal, le Rhône mais aussi le Québec où il s'était installé un temps avec sa seconde épouse.

«Ma rencontre avec le Rhône est l'un des tournants les plus importants de ma vie. C'est lui qui m'a amené à écrire», expliquait celui qui rêvait d'abord d'être peintre, choix auquel s'opposa son père.

Bernard Clavel n'est pas venu facilement à l'écriture. «J'en ai bavé», disait-il à propos de ses débuts. Josette Pratte va devenir une juge impitoyable pour ses textes: «Je n'aurais pas écrit pareillement sans elle», confiait-il.

En 1977, il avait démissionné de l'Académie Goncourt (pour mieux se consacrer à l'écriture, avait-il expliqué). Il avait par ailleurs refusé par deux fois la décoration de la Légion d'honneur.

Né le 29 mai 1923 à Lons-le-Saunier (Jura), fils d'une fleuriste et d'un boulanger, Bernard Clavel abandonne l'école à 14 ans pour devenir en 1937 apprenti-boulanger à Dole, sous la coupe d'un patron brutal qu'il quitte au bout de deux ans. De cette pénible expérience, il tire un roman: La Maison des autres (prix du roman populiste, 1962).

Pour échapper au Service du travail obligatoire (STO) pendant la guerre, il est ouvrier dans une chocolaterie, polisseur de verres de lunettes, ouvrier agricole, bûcheron, lutteur de foire (L'Hercule sur la place, 1966). Cette époque sera son «université», selon sa formule. Un peu comme cet écrivain qu'il admirait tant, Jack London. Après la guerre, il est employé à la Sécurité sociale et dans la presse.

Il consacre ses deux premiers romans au fleuve: Vorgine, paru d'abord en 1955 en feuilleton dans Le Progrès de Lyon où il est rédacteur, puis édité par la suite sous le titre «Les Pirates du Rhône», et «L'Ouvrier de la nuit», son premier roman publié par René Julliard en 1956, qui campe un héros prêt à tout sacrifier à sa vocation artistique.

Ses livres sont vite salués par des écrivains reconnus comme Pierre Mac Orlan qui voit dans son oeuvre «une victoire de la paysannerie lettrée».

Son premier cycle romanesque, La Grande patience (en quatre volumes) est une fresque de la vie ouvrière rurale. Héritier des feuilletonistes, il publie ensuite plusieurs sagas comme Les Colonnes du ciel (cinq volumes) ou Le Royaume du Nord (six volumes).

Il écrit ensuite avec régularité des romans, d'inspiration autobiographique, ou à connotation sociologique, comme Malataverne (1961), Cargo pour l'enfer (1993), Le Soleil des morts (1998), Retraite aux flambeaux (2002) ou Les Grands malheurs (2004).

Il était père de trois enfants, nés de son premier mariage.