Jeune femme naviguant entre deux amants dépressifs, Sofia a grandi avec la dépression pour norme: sa mère s'est suicidée alors qu'elle n'était qu'une fillette.

Chaque semaine, son père, spécialiste des requins, lui envoie une vidéo documentaire sur la vie de ces bêtes que les hommes jugent cruelles alors qu'elles sont des «créatures fragiles». Sofia y trouve l'instinct de survie, malgré la dépression, et ce qui lui manque le plus: l'eau, élément naturel et maternel.

La ville de Turin, par contraste, est un vase clos où elle suffoque, entre deux séances de lecture des lettres dépressives laissées par sa mère. Les vidéos de requins sont une échappatoire provisoire à la pesanteur de la vie terrestre tandis qu'avec ses amants instables, elle devient à son tour une bouée de sauvetage.

Récit initiatique où l'on apprend à rire de la dépression parce que «tout bien considéré, en fin de compte, on s'en sort toujours, on vit pas trop mal», L'équilibre des requins crée un univers aquatique d'une grande cohérence poétique dont la structure complexe et trouble, variant les formes de récits, permet d'échapper aux interprétations psychologiques trop faciles. Où l'on comprend que cet équilibre recherché, quête du Graal du roman, n'est pas d'aller bien tout le temps, mais plutôt de savoir être fort quand ceux qu'on aime vont mal et de savoir se reposer sur eux lorsque l'on sombre à notre tour.

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L'équilibre des requins. Caterina Bonvicini. Éditions Gallimard. 296 pages, 37,95 $.