Pour sa 12e enquête, le commissaire Léon, le flic qui tricote, quitte Montmartre pour Mont-Tremblant.

La Belge Nadine Monfils signe de bien drôles de polars. Son univers peuplé de personnages truculents oscille entre horreur et merveilleux, entre humour noir et comédie kitsch. Situer une histoire de serial killer à Mont-Tremblant, dans un décor de conte de fées où on ne s'étonnerait pas «de voir surgir le Chaperon rouge», lui paraissait donc tout à fait judicieux.

Dans cette nouvelle enquête, publiée exceptionnellement chez Québec Amérique, le commissaire Léon accepte de quitter son envahissante maman, avec qui il habite toujours à 50 ans, pour donner un coup de main à son collègue d'origine québécoise Bornéo, dont le beau-frère vient de mourir dans des circonstances étranges. Un meurtrier sévit dans l'entourage de Jean-Mi, ex-propriétaire d'un hôtel de Mont-Tremblant, semant derrière lui des petits oursons trafiqués provenant d'Univers Toutou, la fabrique de peluches.

Résidant de Montmartre (comme Nadine Monfils, qui s'inspire beaucoup de la faune de son quartier), le commissaire Léon, le flic qui tricote, s'était d'abord mis aux aiguilles pour ne pas recommencer à fumer. Il y a trouvé aussi une façon de se calmer et de réfléchir.

Pourquoi le faire voyager au Québec?

«Eh bien parce que j'adore les gens qui vivent ici. C'est vraiment un pays qui, pour moi, en tant que Belge, est un pays de coeur. Je me sens proche», a expliqué Nadine Monfils en entrevue, à l'occasion de son passage au Salon du livre de Québec, où elle présentait un nouveau roman, Coco givré (Belfond). «C'était une façon de planter une petite graine, comme si j'avais un petit bout de mon coeur ici.»

L'auteure connaît bien le Québec, où elle séjourné plusieurs fois. En 1982, elle a fait la connaissance de l'écrivaine Chrystine Brouillet, qui est devenue son amie (et aussi, auteure de polars).

Campé dans le réel

Ici encore, on retrouve des personnages hauts en couleur - dont certains inspirés par d'autres amies québécoises, beaucoup d'humour noir et quantité de détails réalistes. Ainsi, l'auteure fait référence à un véritable fait divers: le saccage d'un jardin rempli de statues religieuses à Tremblant. Les personnages s'arrêtent manger une queue de castor ou boire une Fin du monde dans de vrais bars et restaurants. Le procédé n'est pas gratuit: il campe l'intrigue dans la réalité, ce qui l'a rend d'autant plus inquiétante.

Le défunt Jean-Mi était propriétaire d'un hôtel renommé qu'il a laissé péricliter sans se soucier des travailleurs. On pense aussitôt à Gray Rocks, qui a fermé ses portes l'an dernier. Nadine Monfils avait écrit son histoire avant les événements et s'étonne du caractère «prémonitoire» de son roman.

Montmartre, Mont-Tremblant, faut-il y voir un parallèle?

«J'aime bien les petites villes. Mont-Tremblant, même s'il a un côté touristique comme il y a à Montmartre, a quelque chose d'attachant. En Belgique, on aime bien ce qui est kitsch. Pour nous, ce n'est pas du tout péjoratif, précise-t-elle. Le kitsch est relié à l'enfance. Et à Mont-Tremblant, les petites maisons sont comme des cartes postales, un peu comme les petites boules de neige qu'on secoue avec des petites maisons à l'intérieur.»

On pourrait sans doute lui reprocher d'avoir forcé un peu sur le sirop d'érable (le commissaire et son adjoint qui mangent des crêpes sitôt descendus de l'avion...), mais on sent bien que l'auteure a été encadrée pour éviter les invraisemblances.

Là où l'exercice est plus périlleux, c'est dans le choc des expressions populaires, quand le flic parisien rencontre des Québécois au langage aussi pittoresque que celui de ses voisins de Montmartre. C'est que Nadine Monfils aime beaucoup les colorations de langage, les accents. Ses autres bouquins sont truffés d'expressions belges ou françaises. Mais la fantaisie permet des libertés qu'on n'accorderait pas à un auteur plus conventionnel.

L'écrivaine a déjà publié une trentaine de romans et pièces de théâtre et réalisé deux films, dont celui tiré de la première enquête du commisaire Léon, Madame Édouard, avec Michel Blanc, Didier Bourdon et Josiane Balasko. Pourtant, Nadine Monfils demeure relativement peu connue ici. Les Fantômes de Mont-Tremblant pourrait bien permettre aux lecteurs québécois une première incursion dans le monde du flic qui tricote. En attendant le film, peut-être, puisqu'elle a profité de son passage au Québec pour sonder l'intérêt d'un éventuel coproducteur.

______________________________________________________________________________________________________

Les fantômes de Mont-Tremblant, Nadine Monfils, Québec Amérique, 229 pages, 14,95 $.