Grâce à la sortie du long métrage de Laurent Tirard, Le Petit Nicolas, le grand succès français de l'édition jeunesse revit. Mais la naissance des histoires illustrées de Sempé et Goscinny remonte à il y a 55 ans.

«C'est un livre pour les parents quand ils ont des enfants et pour les enfants quand ils ont des parents.»

L'expression de Jean-Jacques Sempé résume bien l'attrait du Petit Nicolas, 55 ans après sa naissance. Le succès est phénoménal dans l'édition jeunesse: 10 millions d'exemplaires vendus au total en France depuis 1960, année du lancement du premier des cinq recueils d'origine; plus d'un million seulement pour le premier tome des «histoires inédites», publié en 2004 par la fille de René Goscinny, malgré un prix corsé (40 $ au Québec, où plus de 10 000 exemplaires du tome un des histoires inédites ont été écoulés).

Tout commence en 1955. Jean-Jacques Sempé fait alors des dessins pour l'hebdomadaire belge Le Moustique. L'un d'entre eux, un petit garçon en culottes courtes, revient assez fréquemment pour que le rédacteur en chef lui demande de lui trouver un nom. Dans l'autobus, Sempé, alors âgé de 23 ans, voit une annonce du négociant en vins Nicolas et décide d'emprunter le nom, confiait-il en 2007 au magazine littéraire Lire.

Quelques mois plus tard, Sempé rencontre René Goscinny. Le Moustique leur demande de faire une bande dessinée avec le petit Nicolas. Mais Sempé n'aime pas l'expérience et met le personnage sur la glace. Quatre ans plus tard, Goscinny propose au rédacteur en chef de Sud-Ouest Dimanche, un quotidien de Bordeaux à la recherche d'une idée originale pour son numéro pascal, de faire un nouvel essai avec le Petit Nicolas, mais cette fois avec un texte suivi et seulement quelques dessins. La formule est née et le Petit Nicolas revient chaque semaine dans Sud-Ouest Dimanche. Les histoires sont aussi reprises dans le magazine de bande dessinée Pilote, que dirige Goscinny.

Un premier recueil du Petit Nicolas paraît en 1960, à l'instigation de la femme du patron de l'éditeur Denoël, qui fait la connaissance du petit écolier au cours de vacances sur la côte bordelaise. Quatre autres recueils sont publiés jusqu'en 1965, année où Sempé demande à Goscinny d'arrêter la série pour pouvoir se consacrer à d'autres projets. Les cinq recueils, constamment réédités, seront traduits en 37 langues. L'une des histoires, publiée dans Les vacances du Petit Nicolas, a même inspiré la série Iznogoud de Goscinny - il s'agissait d'une histoire inventée par un moniteur au camp de vacances de Nicolas.

Le Petit Nicolas a failli renaître en 1977, quand Sempé propose à Goscinny de faire un nouveau recueil, avec pour cadre les écoles nouvellement mixtes. Mais Goscinny s'éteint soudainement, d'une crise cardiaque, à 51 ans. Il a fallu attendre 2004 pour que la fille de Goscinny, Anne Goscinny, publie d'autres histoires, des inédits retrouvés dans les affaires de son père. Le tirage initial du premier tome des Histoires inédites était de 50 000 exemplaires. Mais quatre jours plus tard, la FNAC est en rupture de stock. En moins de trois mois, 640 000 exemplaires ont été vendus, ce qui a placé le Petit Nicolas en tête de palmarès, toutes catégories confondues. Depuis, deux autres tomes des histoires inédites du Petit Nicolas ont été publiés, dont le dernier, Le ballon, le printemps dernier.

 

Un héritage unique en bédé

«Le ciel nous tombe sur la tête.» «Tirer plus vite que son ombre.» «Je suis tombé dedans quand j'étais petit.» «Je veux être calife à la place du calife.» Toutes ces expressions, passées dans le langage courant, ont été inventées par René Goscinny pour des bandes dessinées (Astérix, Lucky Luke et Iznogoud). Cela place l'auteur du Petit Nicolas dans une position unique en bande dessinée: selon un numéro spécial que lui consacrait le magazine Lire en 2007, aucun autre auteur de bédé n'au eu autant d'influence sur la langue française.