Elle n'a rien d'une nouvelle venue en littérature, et, à 42 ans, elle a déjà connu de multiples consécrations. Mais on se dit que cette rentrée romanesque 2009 pourrait bien être la sienne.

Marie NDiaye, née à Pithiviers d'une mère française et d'un père sénégalais (vite reparti en Afrique), est le contraire d'une romancière «people». Ses neuf premiers romans ont été publiés aux prestigieuses et peu commerciales Éditions de Minuit. Elle n'a jamais vécu à Paris et, aujourd'hui, est installée avec son mari et ses trois enfants à Berlin. Elle a passé tout juste une semaine à Paris en août pour faire son service de presse et donné de rares interviews, qui ne sont pas son fort. C'est une discrète, qu'on ne voit nulle part. Surtout pas à la télévision.

En même temps, elle a tout d'une star - pour amateurs de littérature. L'air juvénile, elle a été extraordinairement précoce: Jérôme Lindon, intraitable patron des Éditions de Minuit, a publié son premier roman quand elle avait 17 ans. Elle a obtenu le Femina en 2001 pour Rosie Carpe, «ce qui m'a fait très plaisir, surtout sur le plan financier». Habituée à des ventes de 20 000 exemplaires, elle a franchi le cap des 100 000 exemplaires, ce qui a facilité son installation à Berlin. En 2003, sa pièce Papa veut manger est entrée - événement rarissime pour un auteur vivant - au répertoire de la Comédie Française.

Trois femmes puissantes (Gallimard) est son 10e roman. Pour la première fois, l'Afrique fait son apparition dans son oeuvre. Au travers des destins de trois femmes qui, comme elle, ont un pied sur les deux continents. Le roman est porté aux nues par la critique et les photos de la romancière s'étalent en grand sur toutes les pages littéraires des journaux. Malgré son Femina en 2001, Marie NDiaye est une candidate sérieuse au Goncourt. Et, en guise de récompense pour 25 années d'une carrière discrète, on devrait la voir en tête des listes des meilleures ventes.

À propos de ventes, le nouveau Frédéric Beigbeder, Un roman français (Grasset), est évidemment incontournable. Golden Boy de Neuilly, vedette de la télé, dandy et talentueux jeune homme de bientôt 44 ans (le 21 septembre), il vient en fait d'écrire son autobiographie de «pauvre petit garçon riche», avec comme point de départ une garde à vue musclée de 36 heures en 2008 pour cause de consommation de cocaïne sur un capot de voiture devant une boîte de nuit à la mode.

Beigbeder, dont les origines familiales et les succès médiatiques auraient de quoi en agacer plus d'un, a droit à quelques commentaires ironiques dans Libération ou le Nouvel Observateur pour ses tics d'ancien publicitaire et de jeune homme dans le vent, mais même ces critiques sévères lui concèdent du style et une certaine sincérité. Un best-seller déjà assuré.

Beigbeder occuperait déjà le premier rang des listes des ventes, s'il n'y avait, comme chaque année, un petit roman signé de la célèbre machine à fabriquer des histoires Amélie Nothomb, et qui s'est déjà installé en tête du palmarès. Le voyage d'hiver (Albin Michel), est un récit très drôle et enlevé, à propos d'un auteur de nouvelles raté devenu employé d'EDF, qui tombe amoureux d'une jeune romancière qui n'en est pas une, compagne d'une autiste et demeurée, qui est la véritable écrivaine.

Est-ce la rentrée «des femmes», comme disent certains? Il y en a peut-être un peu plus que d'habitude. Anne Wiazemsky, ex-femme de Jean-Luc Godard et petite-fille de François Mauriac, remonte le fil du temps jusqu'à sa naissance à Berlin en 1947, et au mariage de sa mère, Claire Mauriac, infirmière militaire en Allemagne, avec un prince russe du nom d'Yvan Wiazemsky (Mon enfant de Berlin, Gallimard). La romancière Lydie Salvayre, dans un récit émouvant, parle de son compagnon, l'éditeur Bernard Wallet, devenu aveugle en 2008 (BW, Le Seuil).

Yannick Henel

De quoi parle-t-on également à Paris? D'un «docu-roman» de Yannick Henel, Jan Karski (Gallimard), qui ressuscite la figure étonnante de ce résistant polonais qui fut le messager de la résistance de l'intérieur auprès du gouvernement en exil à Londres. Mais aussi le témoin de l'enfer du ghetto de Varsovie, dont il parla à Roosevelt en personne dès 1943. Sans succès.

Il est également question de Laurent Mauvignier, dont Des hommes (Minuit) revient sur un vrai et douloureux sujet: la guerre d'Algérie. Peut-être parlera-t-on aussi du Club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia, pour cette raison qu'il a l'ambition de faire le portrait d'une époque, celle des années 60 à Paris, et qu'il n'a pas craint de faire une saga de 756 pages (Albin Michel).

Auteurs canadiens

Sachez pour finir que la rentrée compte cette année 659 romans. Que Neil Bissoondath, une fois de plus, a droit à une presse énorme et dithyrambique pour Cartes postales de l'enfer (Phébus). Et que, divine surprise, Catherine Mavrikakis a vu son roman Le ciel de Bay City (Sabine Wespieser), sélectionné parmi les huit meilleurs titres de la rentrée par le prestigieux magazine Télérama. Sans oublier Dany Laferrière, déjà écrivain consacré à Paris, et qui a droit à des critiques flatteuses, dont celle de L'Express: «Son écriture n'a jamais été aussi fluide, libre et inspirée.»