Le polar suédois n'a pas fini de nous étonner! D'abord il y eut le couple Maj Sjöwall&Per Wahlöö (un cycle romanesque de 10 polars publiés entre 1965 et 1975), puis vinrent Henning Mankell, Ake Edwardson et Hakan Nesser, avant que ne déferle le phénomène Millénium de Stieg Larsson. Les nouvelles vedettes du polar suédois, celles de la quatrième vague, s'appellent Mari Jungstedt, Camilla Läckberg, Helen Thursten ou Jens Lapidus, auxquelles on peut ajouter désormais Thomas Kanger et Roslund&Hellstrom les plus récemment publiés.

Anders Roslund a été journaliste avant de se consacrer à l'écriture. Börge Hellstrom, victime d'agressions sexuels dans son enfance, a fait plusieurs séjours dans des institutions pénitentiaires. Ils sont considérés comme des figures de proue de la nouvelle génération de polars suédois. La bête est le premier de leurs polars traduit en français. Par certains aspects, il rappelle Les sept jours du talion de Patrick Senécal car, dans ce récit sans concession, les auteurs posent l'éternelle question: peut-on se faire justice soi-même? Quand Berndt Lund, un dangereux pédophile meurtrier et récidiviste, parvient à s'évader de prison, les enquêteurs craignent le pire. Leurs peurs se révèlent fondées quand le corps d'une enfant est retrouvé dans un bois. Le commissaire Ewert Grens et son adjoint Sven Sundkist, de la police de Stockholm, sont aux trousses de l'assassin, mais ils sont pris de vitesse par Fredrik Steffansson, le père de la fillette, fou de rage et de douleur, qui retrace le meurtrier et l'exécute de sang-froid. Quand les policiers découvrent que Lund allait enlever, violer et assassiner deux autres fillettes, Steffansson devient un héros dont le public réclame la libération immédiate. Mais au royaume de la «justice», les choses ne sont jamais aussi simples et le geste vengeur du père aura des conséquences terribles.

Ce thriller remarquable, d'une noirceur absolue, a reçu en 2005, la Clé de verre, la plus haute distinction du polar nordique.

Autre journaliste suédois reconverti dans le polar, Thomas Kanger nous propose Le temps du loup, la première d'une série d'enquêtes mettant en scène la commissaire Elina Wiik, spécialiste des affaires complexes qui opère à Vasteras. Pour faire plaisir à son mentor hospitalisé, elle va réouvrir le dossier d'une vieille affaire jamais résolue. Vingt-cinq ans plus tôt, le corps d'Ylva Malmberg, mère d'une petite fille de quelques mois, a été retrouvé dans une forêt de la Laponie suédoise. L'enfant a disparu sans laisser de trace. Le temps presse, car l'affaire est menacée de prescription: encore quelques jours et le meurtrier, quel qu'il soit, sera tiré d'affaire. Malgré l'opposition virulente de son supérieur immédiat, qui la déteste (et la jalouse), Elina Wiik retourne chaque pierre, examine tous les indices, retrouve de vieux témoins. Obstinée, minutieuse, bien décidée à trouver la vérité, elle découvre un angle inédit et, peu à peu, elle parvient à remonter la piste de l'assassin. En parallèle à l'enquête policière, on suit les pérégrinations d'une jeune femme décidée à retrouver le secret de ses origines et on n'a pas besoin d'avoir fait des études supérieures pour comprendre qu'il y a un lien avec la quête du commissaire Elina. Thomas Kanger est un habile conteur auquel on reprochera cependant une touche de fantastique gratuite et une finale mi-chair mi-poisson qui, quoique logique dans les circonstances, m'a laissé sur ma faim. Mais la course contre la montre, la quête désespérée d'Elina Wiik qui, jour après jour, voit arriver l'échéance fatale de la prescription, est un élément de suspense irrésistible. Le temps du loup est un polar très classique, mais jamais ennuyeux!

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Roslund & Hellström. La Bête. Presses de la Cité, 322 pages, 29,95 $

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Thomas Kanger. Le Temps du loup. Presses de la Cité. 334 pages, 32,95 $