Septembre 1989. Un diplomate français se rend à Londres pour une conférence soporifique sur l'information qui regroupera pendant quatre mois des délégués de l'Est et de l'Ouest. Tout indique que les joutes diplomatiques habituelles seront déployées, ponctuées de Niet communistes. Le Quai d'Orsay prévoit que le mur de Berlin sera encore en place dans un siècle.

Évidemment, la conférence sera marquée par la chute du Rideau de fer et la démocratisation des pays de l'Europe de l'Est. L'un après l'autre, les délégués communistes sont rappelés chez eux pour des consultations. Certains changent leur discours, d'autres sont victimes du jeu de la chaise musicale, un Est-Allemand va jusqu'à se suicider.

Marc Bressant est le pseudonyme d'un ex-diplomate français qui a notamment fondé l'ancêtre de TV5 et a dirigé la chaîne internationale francophone dans les années 90. La dernière conférence, son dernier roman, qui a reçu le Grand Prix du roman de l'Académie française, est tiré de ses expériences diplomatiques. «Chaque milieu a ses conventions qui peuvent sembler étranges aux non-initiés», explique l'auteur dans la soixantaine, en entrevue dans un hôtel du centre-ville, où il était de passage avant de se rendre au salon du livre de l'Outaouais.

«Mais la diplomatie, comme ses activités se déroulent derrière des portes closes, est plus mystérieuse. Je voulais montrer la musique du monde diplomatique, ses habitudes. Aucun personnage n'est directement calqué sur quelqu'un que j'ai rencontré. Mais certaines personnes que j'ai croisées au fil des ans m'ont écrit pour me dire qu'elles s'étaient reconnues, alors que je ne me souviens même plus d'elles.»

Pourquoi avoir choisi 1989? À cause de son 20e anniversaire? «Je m'intéresse beaucoup à la manière dont on sort de systèmes pervers en apparence sans issue. En général, les situations sans issue ne se résolvent qu'avec beaucoup de violence. On peut penser à l'Allemagne nazie, à l'Irak de Saddam Hussein, à l'Algérie qui continue à empoisonner la vie des deux pays. J'ai lu récemment un livre américain qui montrait comme le style très autoritaire de la Ve République, qui pose problème en ce moment en France, est essentiellement le résultat de la guerre d'Algérie.» Ce livre est The Algerian War and the Remaking of France, par Todd Shepard.

Le prochain roman de M. Bressant se déroulera d'ailleurs en Algérie au tournant des années 60, à l'époque où il y faisait son service militaire. Son livre Un siècle sans histoire, paru en 1995, faisait un portrait des guerres du XXe siècle, de celle de 14-18 jusqu'à celle du Golfe en 1990-91. Et un autre livre, Robinet de la Serve: l'énergumène créole, publié sous son vrai nom, Patrick Imhaus, décrit la vie de ce personnage, qui a eu au XIXe siècle un rôle important dans l'abolition de l'esclavagisme à l'île de la Réunion. Incidemment, les ancêtres paternels de M. Bressant sont issus de cette île de l'océan Indien.

Le héros de La dernière conférence est un passionné du Japon et de la Chine qui maudit ses supérieurs de l'avoir envoyé à Londres, lui qui rêvait du poste d'ambassadeur à Tokyo. Est-ce un message codé montrant l'importance qu'aura l'Asie au XXIe siècle?

«Non, ça reflète mes intérêts personnels, dit M. Bressant. J'ai toujours été passionné par le Japon. Quand j'y étais affecté, dans les années 60, j'ai même écrit un article, heureusement publié sous un pseudonyme, où j'annonçais que l'économie du Japon dépasserait celle des États-Unis. Comme quoi, les diplomates peuvent se tromper.»

La biographie de M. Bressant et celle de son personnage sont identiques sur l'aspect du Japon. Tous deux sont issus, par leur mère, de la petite bourgeoisie du Dauphiné, de notables qui avaient peu de goût pour le voyage et l'aventure. Tous, sauf un oncle qui au milieu du XIXe siècle s'était engagé dans la marine et avait rapporté du Japon des objets exotiques. «Petit, je passais mes étés à fabuler là-dessus, dit M. Bressant. Pour moi, c'était la transgression. Et encore aujourd'hui, la Chine et le Japon sont des exemples de modèles alternatifs d'organisation de la société, avec le confucianisme qui pousse les gens à voir comment leurs actions vont bénéficier à la famille, la communauté.»

La dernière conférence

Marc Bressant

Fallois, 233 pages, 32,95$

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