Pour la plupart d'entre nous, la République dominicaine est un pays de plages, de rhum, de musique, le lieu vers où on s'évade quand on n'en peut plus de l'hiver. La République dominicaine, un pays d'écrivains? Ce n'est pas l'image que nous avons de cette île.

Alors, il est temps de changer d'image. Il faut fêter l'arrivée d'une voix étonnante, celle de Junot Díaz, romancier dominicain qui vit à Nueva York, où il enseigne l'écriture. Si vous êtes un écrivain américano-dominicain, en quelle langue écrivez-vous? Mais en spanglish, bien sûr, ce savoureux mélange d'anglais et d'espagnol. Le spanglish est une sorte de joual, et je parie que les lecteurs québécois, au lieu d'être déroutés par le mélange, vont gozar au max.

 

Díaz raconte la vie d'Oscar Wao, jeune nerd dominicain qui parle comme un personnage de jeux vidéo, propriétaire d'un corps ingrat, le seul Dominicain qui ne sache pas s'y prendre avec les dames. Oscar n'est pas le préféré des dieux, mais ce n'est que le début. Toute sa famille souffre d'un fukú, une malédiction dominicaine qui ne pardonne pas et qui refuse de lâcher sa ligne. Díaz plonge dans l'histoire de cette famille plus que malchanceuse pour révéler la vraie malédiction qui tombe sur ce petit pays mal gouverné qu'est la République dominicaine.

Cette malédiction, c'est la dictature. Díaz commence avec Trujillo, qu'il appelle le Voleur de Bétail Raté, grand dictateur, grand assassin et grand ami des États-Unis, qui l'ont appuyé. Trujillo est l'instrument du fukú, celui qui vous fait vivre l'enfer avant de provoquer votre mort par des moyens inusités. La famille d'Oscar Wao avait le tour de toujours se retrouver dans les mauvaises grâces du dictateur, malgré toutes ses tentatives de se rendre invisible.

Une seule porte de sortie: l'immigration vers les États-Unis. Díaz nous raconte la vie sous Trujillo, mais il nous décrit très bien aussi la vie des immigrants dominicains autour de New York. Ce faisant, il renouvelle entièrement le genre un peu fatigué du roman d'immigration. Les personnages de Díaz sont tout sauf héroïques, ils s'en foutent de l'assimilation, ils s'occupent à temps plein à courir après le plaisir. Dans ce paysage, Oscar le nerd, Oscar le gros détonne.

Ce roman raconte la brève et merveilleuse quête d'amour d'Oscar. Il ne connaît pas l'amour, mais il refuse de mourir vierge, car c'est la pire honte pour un Dominicain. Mais l'amour sous la dictature peut s'avérer mortel pour celui qui lui court après.

Avis aux lecteurs qui comptent passer une semaine sur une plage dominicaine cet hiver: ne partez pas sans ce roman. Vous rirez fort, oui, mais vous comprendrez mieux le pays autour de vous.

_______________________________________

La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao

Junot Díaz, traduit par Laurence Viallet Plon, 294 pages, 39.95$

****1/2