Membres de l'élite intellectuelle, les poches remplies d'argent et l'avenir radieux, les étudiants de l'Université Harvard sont quand même mal dans leur peau. Qu'est-ce qui pourrait troubler leurs vies si pleines de promesses? La réponse se trouve dans le nom d'un pays: l'Irak.

Voilà la guerre qui vient troubler la paix feutrée des couloirs de Harvard dans le petit livre de l'Américain Nick McDonell, Guerre à Harvard. Le récit est lancé par la description de 25 tapis de jogging dans un gymnase à la célèbre université. Les machines sont rutilantes, les étudiants qui s'en servent sont dans une forme parfaite, ils courent, ils courent sans jamais avancer, ils regardent les nouvelles à la chaîne de CNN, des nouvelles de la guerre en Irak, car nous sommes en 2006, et ces étudiants se demandent quel rôle ils auront à jouer dans cette mésaventure. S'il y a un sentiment qui prime dans la petite bande de Harvard, c'est la culpabilité. Pendant qu'ils regardent souffrir les gens de l'Irak et les soldats américains, ils lisent des oeuvres de philosophie, ils se soûlent la gueule et ils poursuivent des aventures nocturnes sans lendemain. Ils seront appelés à mener le pays dans un avenir pas trop lointain mais, entre-temps, mieux vaut profiter de ce répit, où l'inconscience est permise.

 

Nick McDonell décrit la petite bande avec affection, mais avec ironie aussi. L'auteur se penche sur l'histoire de Mark Zuckerberg, celui qui a inventé Facebook pour ensuite quitter l'université, déjà millionnaire. Zuckerberg était un rêveur, un peu nerd, le genre de gars qui oublie de rentrer sa chemise dans son pantalon, et tous ceux qui l'ont suivi dans son idée se sont retrouvés millionnaires eux aussi. Un peu par hasard, on dirait. (L'histoire est rigoureusement vraie.)

Ensuite il y a Will, qui s'est engagé comme réserviste dans l'armée américaine. Il décrit l'armée comme «l'activité extrascolaire la plus intense». De Harvard à Fallujah, en Irak, il y a tout un écart, mais Will fera ce grand saut dans le vide. Et puisque Harvard est le berceau des forts en thème, l'université reçoit la visite des chasseurs de têtes de la CIA. Comment réagir? Écouter leurs propositions alléchantes ou bien les chasser du campus? L'appât du gain est aussi présent chez les étudiants de Harvard qu'ailleurs.

McDonell nous présente quelques histoires sentimentales, mais sa poussée est essentiellement politique. Et, histoire de rester à la une, il évoque un ancien de Harvard de qui on parle beaucoup - Barack Obama. Ce récit à la fois léger et incisif se termine sur une drôle de phrase qui refuse de disparaître de ma tête: «Maintenant que nous sommes au pouvoir, nous savons enfin qui nous sommes vraiment.»

Guerre à Harvard

Nick McDonell, traduit par Samuel Sfez Flammarion, 95 pages, 24,95$

***1/2