Dans leur palmarès des meilleurs romans policiers de l'été, les critiques du Nouvel Observateur ont qualifié Rituel, de Mo Hayder, de «polar le plus dégueulasse» alors que Triptyque, de Karin Slaughter, a mérité le titre peu enviable de «polar le plus sanguinolent» ! De quoi attiser le goût du sang et la curiosité malsaine du vampire ou du Mister Hyde qui sommeille en chacun d'entre nous...

Rituel est le troisième polar mettant en scène le commissaire-adjoint Jake McCaffery, toujours hanté par la disparition de son frère et qui est aux prises avec une bien étrange affaire. L'équipe des plongeurs de la police a repêché une main humaine dans les eaux glauques du port de Bristol. Le lendemain, une deuxième main est découverte aux abords d'un restaurant africain du port. Le légiste est formel: la victime était encore vivante lorsqu'elle a été amputée.

Avec l'aide de Phoebe «Flea» Marley, Jake se lance dans une enquête qui lui fait découvrir dans toute son horreur l'univers des trafiquants d'organes et de drogues originaires d'Afrique du Sud et le monde non moins mystérieux des sorciers établis dans le Somerset.

Au cours de l'enquête, McCaffery croisera le chemin d'un personnage fascinant et inquiétant: le Marcheur. Cet ancien détenu, devenu vagabond, a été condamné pour le meurtre sauvage de l'homme qui avait assassiné et violé sa fille. Obsédé par des idées de vengeance non assouvie, le policier va soudoyer le Marcheur pour que celui-ci lui raconte, avec force détails sanglants, la manière atroce dont il a exécuté l'assassin de sa fille. Et McCaffrey se délecte à imaginer qu'il fait subir le même sort à l'assassin de son jeune frère qui a échappé à la justice en se suicidant. Mo Hayder nous a habitués à des récits noirs, d'une rare violence.

Une fois de plus, elle ne nous épargne aucun détail macabre, notamment sur certains rituels sanglants de la magie noire africaine importés en Angleterre.

Moins prenant que Tokyo, un chef-d'oeuvre inégalé, mais nettement supérieur à Pig Island, Rituel est aussi le premier volet d'une nouvelle série-choc qui mettra en vedette ce fameux Marcheur, que d'aucuns comparent déjà (à tort) à Hannibal Lecter.

Arracheur de langue

Mo Hayder n'a pas le monopole de l'imagination morbide et des intrigues riches en hémoglobine. Karin Slaughter ne fait pas dans la dentelle, elle non plus... Dans Triptyque, les enquêteurs sont aux prises avec un tueur maniaque qui a la fâcheuse habitude d'arracher la langue de ses victimes d'un coup de dents!

Après cinq bons récits mettant en scène la légiste Sara Linton et le shérif Jeffrey Tolliver, Slaughter change de protagoniste, avec Will Trent, un agent du FBI chargé d'épauler les flics locaux quand ils sont aux prises avec des affaires trop complexes. Raconté selon trois points de vue, avec trois intrigues qui convergent, Triptyque décrit surtout le destin tragique de John Shelley, qui a fait 20 ans de prison pour un crime dont il n'a aucun souvenir.

Après une soirée bien arrosée et mouvementée, il s'est réveillé à côté de sa petite amie, morte, la langue tranchée. Pendant son séjour en prison, quelqu'un a volé son identité. Quand il retrouve sa liberté (provisoire), les meurtres recommencent et il devra affronter un ennemi invisible et sadique qui a juré sa perte.

De son côté, le détective Michael Ormewood, un flic d'Atlanta, tourmenté par une vie familiale perturbée -un mariage chancellant, un enfant handicapé- et quelques démons personnels, doit composer avec ce mystérieux Will Trent, pas très loquace, qui préfère faire équipe avec la belle Angie Polaski, amie d'enfance et ancienne flamme qui joue les prostituées pour piéger les clients.

Quoique difficile à lâcher, ce thriller n'est pas sans quelques défauts. Pour une fois, Karin Slaughter abuse des rebondissements spectaculaires, histoire de nous déstabiliser, de nous surprendre comme dans les meilleurs feuilletons. Ce faisant, elle tombe dans le piège de la facilité, de l'artifice, un défaut malheureusement très courant dans le polar contemporain.

À vouloir à tout prix renouveler le genre, intention fort louable s'il en est, nombre d'auteurs (surtout américains) privilégient les «effets spéciaux» et les coups de théâtre, au détriment de la simple vraisemblance. Dommage pour ce bon polar qui aurait pu être exceptionnel!

Rituel

Mo Hayder Presses de la Cité, 416 pages, 29,95$

Triptyque

Karin Slaughter

Grasset, 504 pages, 29,95$