Fétichise-t-on la souffrance qui serait, prétend-on, un des plus efficaces carburants créatifs ? Renato Rodriguez-Lefebvre est d’avis qu’il est ridicule de se lancer aux trousses du trouble dans l’espoir de produire de grandes œuvres. Et il en sait quelque chose : l’auteur de 31 ans était, plus jeune, du genre « à utiliser des phrases de Georges Bataille de manière malsaine, pour [se] fouetter ».

« C’est une idée qui s’infiltre encore dans beaucoup de discours, qu’il faut canaliser sa douleur, puiser dans ses traumas le matériel brut de l’écriture », observe l’auteur du roman Les détectives du vivant.

Ce n’est pas entièrement une mauvaise idée, mais c’est l’idée qu’on doit chercher les chemins de la souffrance pour trouver ceux de l’écriture qui m’apparaît plus problématique.

Renato Rodriguez-Lefebvre

Satire d’un certain absolutisme littéraire, âpre charge contre la lourdeur ankylosée de toute forme de bureaucratie, hommage plus ou moins absurde aux gestes fous faits au nom de la littérature, le premier livre de Renato Rodriguez-Lefebvre imagine avec une fulgurante ironie un monde dans lequel une organisation secrète, la Société des Détectives du Vivant, conspire afin d’amener, par la violence et la ruse, de l’eau au moulin de l’écriture.

Dans ces « authentiques laboratoires de la misère humaine, on avait converti des peuples en poètes en devenir, on infiltrait des organisations politiques férocement opposées et avivait leur minable dialectique, le tout pour produire une tension à même de générer de la littérature », écrit-il dans cette ingénieuse dystopie.

Les propriétaires de lunettes roses aiment à s’imaginer que nous vivrions dans un monde meilleur si les poètes étaient au pouvoir. Et Renato Rodriguez-Lefebvre pense que c’est bien mal connaître les poètes. Il réprime un rire, lourd de sous-entendus. « Disons que j’ai exploré dans le roman cette idée de manière brutale et violente, mais je ne crois pas, non, que les choses iraient nécessairement mieux. »

Les vertus salvatrices de la littérature ? Le doctorant à l’Université de Montréal y croit, mais avec plusieurs bémols. « Ce qui peut sauver, ce sont les choses qu’on ne peut pas prévoir, plaide-t-il. Quelqu’un que je ne connais pas va lire mon livre et, dans les rires et les réflexions qu’il va peut-être provoquer, il y a une relation qui va se tisser. La communauté invisible que crée la littérature est ce qu’elle a de plus beau. »

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Les détectives du vivant

Les détectives du vivant

La Mèche

180 pages