Mélanie Leclerc a toujours voulu écrire. « Écris sur ce que tu connais et que tu aimes », lui a-t-on conseillé. Ça tombait bien : son père avait une histoire hors du commun. Fils aîné du grand Félix, Martin Leclerc a parcouru la planète comme caméraman, notamment à l’Office national du film (ONF). Dans sa bande dessinée Contacts, en lice pour un Prix littéraire du Gouverneur général, Mélanie révèle la beauté — tout en nuances — de leur relation père-fille. Comme si elle l’avait passée dans une chambre noire…


PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Contacts est finaliste pour un Prix littéraire du Gouverneur général, dans la catégorie livre jeunesse illustré.

Premier album

Contacts est le premier album de Mélanie Leclerc, qui accumulait jusque-là des idées « sans oser les lancer assez loin pour que ça marche », dit-elle en entrevue dans sa maison de Saint-Lazare. « Quand j’étais enceinte de mon troisième garçon, je me suis dit : “Je ne peux plus attendre d’avoir le temps, parce qu’il y en aura encore moins, se souvient-elle. Ça va être fou.” »

La double bachelière — en études littéraires et en cinéma — s’est assise avec son père. « Martin est un personnage le fun, parce qu’il ne parle pas, il a l’air bête, indique-t-elle avec tendresse. En même temps, il est super sensible. Il a réussi à parler et à s’ouvrir au monde par la photo. » Ensemble, ils ont parcouru les agendas paternels, remplis de photos témoignant de sa riche vie professionnelle et personnelle.

Leclerc, de père en fils et en fille


PHOTO GEORGES BIZIER, ARCHIVES LA PRESSE

Félix Leclerc avec son fils Martin, en décembre 1952

Quelques pages de Contacts mettent en scène Félix Leclerc, que Martin, né en 1945, a rejoint à Paris (avec sa mère) quand il avait 5 ans. « Je voulais en parler dans la mesure où ça raconte comment l’œil de Martin s’est forgé, explique Mélanie. Comment il s’est construit. » L’influence du poète est palpable, sans voler la vedette au fils. « Les gens sont beaux quand ils parlent de ce qu’ils aiment, dit Martin à sa fille, lors d’une promenade dans un champ de Vaudreuil. C’est mon père qui m’a appris ça. »

Transmission père-fille

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Martin Leclerc a partagé sa passion de la photo – et sa vieille Leica — avec
sa fille Mélanie.

Destinée aux ados et aux adultes, Contacts est plutôt une (rare) œuvre sur la transmission père-fille. « Dans mes influences, j’ai beaucoup aimé Le journal de mon père de Jirō Taniguchi [manga publié en français chez Casterman] et Fun Home d’Alison Bechdel [roman graphique publié en français chez Points], indique Mélanie Leclerc, qui travaille dans une bibliothèque près de chez elle. Ce sont des histoires qui reviennent sur le passé des pères. J’aime l’aspect documentaire, où on essaie de fouiller dans le passé d’un homme. »

Parrainage de Michel Rabagliati

Pour trouver le ton juste, Mélanie Leclerc a fait appel aux conseils du bédéiste Michel Rabagliati (série Paul), dans le cadre d’un parrainage organisé par l’Union des écrivains du Québec. Puis elle s’est inscrite aux ateliers de bande dessinée donnés par Jimmy Beaulieu, autre tête d’affiche de la bédé québécoise, au collège de Rosemont.

« Au début, je voulais travailler au fusain, se rappelle-t-elle. Jimmy m’a dit : “Essaie l’aquarelle, parce qu’au fusain, tu vas devenir folle. C’est bien trop de travail.” » Contacts et son habile découpage, inspiré de plans de cinéma, bénéficient au bout du compte des dégradés de l’aquarelle.

Surprise par les prix

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Loin des tapis rouges, Mélanie Leclerc planche sur une autre œuvre, qui s’intéresse à ses influences féminines.

D’abord publié à compte d’autrice, Contacts a remporté le prix Bédélys Indépendant 2018, avant d’être édité chez Mécanique générale au printemps. La bande dessinée est finaliste pour un Prix littéraire du Gouverneur général, dans la catégorie Livre jeunesse illustré. Le lauréat sera connu le 29 octobre. Contacts est aussi parmi les trois finalistes du Prix de la critique ACBD de la bande dessinée québécoise 2019, dont le gagnant sera dévoilé le 22 novembre.

Loin des tapis rouges — quoique les feuilles colorées ne manquent pas ces jours-ci, à Saint-Lazare —, Mélanie Leclerc planche sur une autre œuvre. « C’est encore très autobiographique, mais c’est le côté féminin des influences, résume-t-elle. Ça parle de création, encore. » Et toujours…