La grande actrice Ingrid Bergman se plaisait à dire qu'elle était la personne la plus timide du monde, mais qu'elle avait un lion en elle qui refusait de se taire.

Cette citation apparaît au tout début du livre 50/50 - Réflexions et solutions pour atteindre l'égalité, une collection de témoignages sur l'égalité et le féminisme sous la plume de la journaliste Tanya Lapointe. Le livre sortira le 5 décembre, le même jour où 50/50: Le documentaire, qu'elle a réalisé avec la journaliste Laurence Trépanier, sera diffusé sur RDI avant d'être offert sur la plateforme Tou.tv.

Ce n'est pas un hasard si Tanya Lapointe a mis la citation d'Ingrid Bergman en exergue de son livre. «Je me suis reconnue entièrement dans ce propos. Moi aussi, j'ai un lion à l'intérieur de moi», dit-elle de sa voix douce d'où ne pointe pas le moindre début d'un rugissement.

Un lion? J'avoue que ce n'est pas le mot que j'associe à Tanya Lapointe, une jolie blonde qui refuse de dire son âge mais qui, pendant les 15 années où elle a tenu la chronique culturelle à la télé de Radio-Canada, m'est apparue comme un modèle de féminité assumée, toujours impeccablement maquillée et coiffée, sans jamais le moindre faux pli ni la moindre faute de goût dans ses vêtements.

En même temps, comme elle l'explique elle-même, pour une fille qui arrivait de Hawkesbury avec des velléités déçues de ballerine, pour faire son chemin comme elle l'a fait, ça prenait de l'ambition, de la détermination et un peu de lion dans le moteur.

La dernière fois que j'ai rencontré Tanya Lapointe, c'était il y a un an. Elle avait quitté Radio-Canada pour suivre son amoureux, le cinéaste Denis Villeneuve, sur le tournage de Blade Runner 2049. Et comme elle n'est pas du genre à jouer la potiche, elle en avait profité pour produire The Art and Soul of Blade Runner 2049, un gros livre de table à café documentant le processus créatif du film depuis les premiers sketchs, dessins et maquettes jusqu'à la naissance de la scénographie spectaculaire du film, le tout agrémenté de notes et de propos sur le tournage.

Parce que Tanya est une personne qui recherche le consensus plutôt que la controverse, il n'y avait pas le moindre détail compromettant ou croustillant dans son livre sur Blade Runner 2049.

Initiation à l'égalité

Il en est de même pour 50/50, le documentaire comme le livre. «Moi, je ne fonce pas dans les murs. Je veux rallier les gens. Pas les diviser. Mon livre est une sorte d'initiation à l'égalité. Je reviens à la base et je le fais pour les gens qui ne s'intéressent pas au sujet parce qu'ils n'en connaissent pas les tenants et aboutissants. Je veux leur montrer qu'il y a moyen d'avancer ensemble à travers un exercice que Laurence et moi avons voulu ouvert et empathique.»

Comme il s'agit d'un film sur l'égalité entre les hommes et les femmes, coloré par un penchant pour la pensée féministe, les témoignages proviennent majoritairement de femmes comme Pauline Marois, Françoise David et Caroline Codsi, fondatrice de La Gouvernance au féminin. S'ajoutent les réflexions de journalistes comme Liz Plank, Nathalie Collard et Noémi Mercier. Et parmi toutes ces voix féminines s'élèvent les voix masculines d'Amir Khadir, du comédien Will Prosper, de l'animateur Matthieu Dugal et de l'homme d'affaires Alexandre Taillefer. Toutes et tous s'entendent pour dire qu'il faut mettre fin aux biais inconscients, faire plus de place aux femmes aux conseils d'administration, mais aussi dans toutes les autres sphères de la société, et revoir une organisation sociale où la maternité ne serait pas source d'exclusion et de mise au rancart.

Au fil du tournage au milieu d'un loft tout blanc, inspiré par un documentaire d'Ava Duvernay, les deux réalisatrices ont accumulé 22 heures de matériel. Comme leur film ne pouvait durer que 52 minutes, elles ont dû faire des choix déchirants et ne garder que les propos les plus simples, et aussi les plus convenus. C'est ici que le livre entre en scène et prend son importance.

«Tout ce que nous n'avons pas pu mettre dans le film, je l'ai intégré dans le livre, avec toutes les nuances que cela comporte. Si on prend seulement la question des quotas, il y a plusieurs points de vue et des nuances à faire, notamment parce qu'imposer des quotas, ça ne règle pas tout, encore faut-il trouver la source du problème, qui est avant tout sociale et structurelle. Les quotas, c'est crucial, mais en fin de compte, tout est crucial si on veut que les choses changent.»

Tanya Lapointe espère faire évoluer les mentalités, mais par la douceur et l'empathie plutôt que par la confrontation. «Même si le film et le livre ne devaient changer la façon de voir les choses que d'une seule personne, ça vaudrait le coup, mais bon, on espère quand même qu'on a fait le film pour plus d'une seule personne», dit-elle en espérant que l'avenir lui donne raison.

Coproductrice de Dune

Comme l'avenir dure longtemps et que la vie continue, Tanya va devoir l'occuper autrement après la diffusion du documentaire qu'en descendant dans la rue pour manifester au nom de l'égalité des femmes.

C'est ainsi qu'elle quittera bientôt Montréal pour le plateau de Dune, le nouveau film de Denis Villeneuve. Elle y aura le titre de coproductrice. Ses fonctions consisteront à faire équipe avec le réalisateur et à lui faciliter la tâche pendant un extraordinaire périple qui s'échelonnera sur pratiquement deux ans.

Tanya se réjouit du fait que la productrice exécutive du film est Mary Parent, une femme influente de Hollywood. Sur ses photos, la productrice est aussi féminine et bien mise que Tanya Lapointe. Et si l'on se fie à sa feuille de route des plus impressionnantes, elle aussi doit avoir un lion en elle qui refuse de se taire. Un lion ou même deux.

50/50 - Réflexions et solutions pour atteindre l'égalité. Tanya Lapointe. Cardinal. 224 pages.

Image fournie par Cardinal

50/50 - Réflexions et solutions pour atteindre l'égalité