Après le cri de colère de Cassandre, la poétesse Catherine Lalonde nous offre Corps étranger, broussailles d'amour perdu entre deux corps qui ne parlent pas la même langue. « C'est Babel dans nos bouches», écrit-elle avant de marquer les possibles écueils de cette alliance dans la chair. « ... dans le peut-être de ta langue inconnue / se révèle plus d'abandon / que dans ma forêt / » Rapidement, l'amour happe et concasse. « ... l'amour à Montréal pousse comme le chiendent / fauche en fouets / les êtres moi et les filles / ».

En signant l'avant-propos, Nancy Huston souligne justement ces « lieux du silence féminin ancestral », alors que Lalonde ouvre ce récit de bataille à tout son sexe, souffrante de cette « écharde léguée par les femmes d'avant «. Sa voix emprunte aux aïeules » entre la lessive Dieu et / douze enfants / « mais aussi aux Rapunzel des contes, liant sa voix aux oraisons de toutes princesses effeuillant les marguerites. D'ailleurs, elle n'aura jamais hésité à faire le saut de l'ange pour la volupté et la déraison alors qu'Alice lui glisse à l'oreille de suivre le lapin blanc des Merveilles. Or, l'amour a quitté le jardin « ... et tu es / parti avec tout le paysage /».

 

Laissant parfois échapper quelques vapeurs crues de l'érotisme, la parole de Lalonde glisse surtout dans un impressionnisme qui lui va à ravir entre le corps-terroir, la laine mouillée de l'enfance et l'incendie de la solitude. Assumant pleinement la racine « moi Mironée battue «, osant même quelques emprunts, Catherine Lalonde s'inscrit encore une fois dans un fort héritage poétique et nous livre de magnifiques et riches futaies autour d'un « je t'aime » prisonnier, « le mot trop tard pour se le remettre en bouche et / déjà on sait / qu'il n'en restera rien / que coquilles miettes que restes / ».

Corps étranger

Catherine Lalonde

Québec Amérique, 125 pages, 18,95$

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