(Paris) Des Armoires vides à Mémoire de fille, voici cinq œuvres majeures d’Annie Ernaux, récompensée jeudi du prix Nobel de littérature.

Les armoires vides (1974)

C’est son premier roman publié en 1974 chez Gallimard. Inspiré de faits réels, il raconte l’avortement qu’elle a subi en 1964 alors qu’elle est étudiante. On retrouve l’autrice sous les traits de Denise Lesur. Cette dernière est seule dans sa chambre d’étudiante à la Cité universitaire et attend l’issue d’un avortement. Court et percutant, il raconte, avec détail, cet avortement ressenti comme un échec, une forme d’humiliation.

Humiliation, car la jeune femme, promise à un brillant avenir, croit voir dans cette grossesse son rêve d’émancipation de son milieu d’origine lui filer entre les doigts. Nourri de détails sur l’acte en lui-même, le livre avait été qualifié d’« obscène » par certains critiques.

De cet avortement naitra un autre livre emblématique : L’évènement. Adapté par Audrey Diwan au cinéma, il a raflé le Lion d’or à la Mostra de Venise en 2021.

La femme gelée (1981)

Dans La femme gelée (1981), Annie Ernaux poursuit son travail d’autofiction en analysant sa propre vie : de l’enfance à l’âge adulte, de jeune fille pleine de rêves en femme gelée.

Elle y raconte ce qu’est être une fille, une femme, une mère dans une société qu’elle juge encore patriarcale. Elle raconte la découverte des différences sociales entre les femmes et les hommes, la violence de cette inégalité. Le livre revient aussi sur le délitement de son mariage et son rôle d’épouse dans la France des années 1970.

La place (1983)

Le livre commence alors qu’Annie Ernaux est reçue au Capes de Lettres modernes. Quelques semaines plus tard, son père meurt. L’autrice fait dans La place le portrait de celui-ci. Elle consacrera également un livre à sa mère (Une femme).

Dans ce livre, elle y évoque la situation délicate liée à son changement de milieu social. Elle est dorénavant « un transfuge de classe ».

Née dans une famille normande très modeste — son père était paysan et illettré avant de devenir commerçant — Annie Ernaux s’est éloignée de ce milieu en entrant dans une sphère bourgeoise et intellectuelle via ses études et son mariage. Les différences de centres d’intérêt, de préoccupations, d’activités, de fréquentations ont créé un fossé entre le père et la fille, qui n’ont plus grand-chose à se dire.

Les années (2008)

Il est considéré comme la pièce maitresse de son œuvre.

Elle y évoque sa vie pour tracer le roman de toute une génération, celle des enfants de la guerre marqués par l’existentialisme des années 50 et la libération sexuelle. À travers l’allusion à des objets, des mots, des chansons, des émissions de télévision, elle restitue une vérité de son temps.

« C’est à la fois le récit de ma vie, mais aussi celui de milliers de femmes qui ont elles aussi été en quête de liberté et d’émancipation », avait-elle confié à l’AFP en mai 2022.

Mémoire de fille (2016)

Avec ce livre, Annie Ernaux se lance à la recherche de la « fille de 58 ». Cette fille, c’est elle. Dès les premières pages du livre, comme un avertissement, elle prévient le lecteur. Ce qu’elle s’apprête à lui raconter « c’est le texte toujours manquant. Toujours remis. Le trou inqualifiable ».

Ce texte manquant qu’elle omet depuis 50 ans, c’est le récit de sa première nuit, l’été 1958, avec un homme. Cette fille « gauche » qui ne connaissait rien à la vie et qui n’était jamais sortie de sa Normandie natale.

Mais ce texte n’est pas seulement celui de la découverte de l’érotisme. C’est aussi sa première incursion, brutale, dans le monde adulte.