S’acheter une maison en ville ? Impensable. Trop cher. Élever son enfant en ville ? Une hérésie ! Où le bambin ira-t-il jouer, sans gigantesque cour arrière ?

Au moment où ils attendent l’arrivée de leur premier bébé, Jessica et Philippe sont aux prises avec un dilemme classique, parfait prétexte à cette captivante relecture des codes de la littérature fantastique à laquelle Myriam Vincent procède dans À la maison.

Après avoir signé un des plus mémorables premiers romans de 2020 avec Furie, dans lequel elle subvertissait les clichés des slashers de vengeance afin de fouiller de manière aussi enlevante que perspicace des questions aussi tentaculaires que le pardon et la justice, Myriam Vincent plante dans ce deuxième livre un décor à la fois inquiétant et familier.

Inquiétant, parce que cette maison abordable dans laquelle le couple s’installe loin de la ville, d’une architecture et d’une blancheur oppressantes, répugne ses visiteurs. Familier, parce qu’il apparaît d’emblée très clair que leur nouvelle résidence porte en latence une catastrophe. C’est écrit sur les murs : ce qui devait être la maison de leurs rêves couve un cauchemar.

Là repose d’ailleurs en grande partie la ruse de Myriam Vincent, qui investit avec finesse les ressorts du genre de l’horreur, tout en commentant, comme en sous-main, leur assommante prévisibilité. « Si vous trouvez que mes réactions sont bizarres et inadéquates, ce n’est pas seulement moi qu’il faut blâmer, alors : ce sont aussi les mauvais auteurs qui ne m’ont donné que ces possibilités à vivre », explique la narratrice dans un passage portant sur les fictions ayant modelé – pour le meilleur et surtout le pire – son imaginaire.

À la fois roman féministe et page turner, fable anxiogène sur les tourments de la charge mentale et comédie noire, suspense efficace et métacommentaire sur l’influence de la fiction, À la maison dépeint une société qui conteste sans cesse ce que les femmes disent, même lorsque les preuves de ce qu’elles avancent s’accumulent sous les yeux de ceux qui les entourent. Myriam Vincent ajoute ainsi une pierre à une œuvre qui refuse de croire que vouloir divertir et donner à réfléchir sont des ambitions incompatibles.

À la maison

À la maison

Poètes de brousse

322 pages

8/10