C’est d’un souvenir d’adolescence qu’est né Proies. Une vieille histoire que Marie-Josée, la « grande amie » à qui Andrée A. Michaud dédie le roman, lui a rappelée, alors qu’elle planchait depuis un moment sur des essais « qui n’aboutissaient nulle part ».

« On avait passé la nuit dans le camp de son père, dans le Trente-Sous, un lieu que tout le monde connaît dans mon village, et ç’avait été une nuit assez étrange… », raconte-t-elle au bout du fil, de sa maison en Estrie. « Je ne reproduis absolument pas la nuit qu’on avait passée là-bas – c’était totalement différent –, mais je me suis dit que je pourrais partir d’une idée comme ça, des jeunes qui s’en vont dormir dans le bois, où il se passe des choses imprévues qui vont un peu briser le plaisir qu’ils s’attendaient à avoir. Et puis l’écriture entraîne l’écriture… »

Dans Proies, trois adolescents soudés depuis l’enfance décident d’aller camper quelques jours en forêt, près de la rivière Brûlée. Un lieu qui avait jusqu’à présent toujours été invitant. C’est le mois d’août, ils ont l’insouciance de leur âge, la foire agricole bat son plein au village.

La tension monte

Dès les premières pages, l’écrivaine nous laisse déjà entrevoir le pire. Les trois amis ont le sentiment étrange de se sentir observés, sitôt installés. Un malaise étouffant s’installe rapidement, la tension croît à mesure qu’on découvre le jeu pervers d’un esprit malade et que se concrétisent les pires cauchemars de n’importe quel parent. Si Andrée A. Michaud possède un talent sans égal pour construire des atmosphères à glacer le sang, la peur qu’elle parvient à instiller dans Proies s’inscrit au sommet de son art.

PHOTO FRÉDÉRIC CÔTÉ, LA TRIBUNE

Andrée A. Michaud

Quand j’écris des livres comme ceux-là, je convoque un peu mes peurs à moi, les peurs de l’enfance, surtout, qui sont des peurs assez tenaces et qui nous suivent pendant longtemps. Même si je ne crains pas la forêt, l’isolement, la nuit, les bruits qu’on n’arrive pas à situer font renaître de vieilles peurs.

Andrée A. Michaud

Pourtant, à l’adolescence, tout comme les personnages de son roman, elle n’avait « peur de rien ».

« J’étais souvent dans le bois, toute seule. Aujourd’hui, je suis peut-être un peu moins brave que je l’étais. À l’adolescence, je pense que je n’étais pas consciente des possibles dangers. Et quand je parle des dangers de la forêt – et on en a une bonne illustration dans Proies –, ce n’est pas la forêt elle-même qui est dangereuse, ce sont les humains qui peuvent s’y trouver. »

Et si la forêt est pour elle une alliée, elle est également « une force agissante » de son roman, le « socle » sur lequel il repose et autour duquel tous les évènements de Proies naissent et se rejoignent.

Proies rappellera par ailleurs, à ceux qui l’ont lu, son grand roman Bondrée, paru en 2014 et qui lui avait valu de nombreuses distinctions (dont un prix du Gouverneur général). L’écrivaine confie avoir eu envie de lancer un clin d’œil à cette histoire qui s’est elle aussi jouée près de la frontière, et dans laquelle des policiers américains ont été mêlés à l’enquête.

Un nouveau chantier

Depuis qu’elle a terminé l’écriture de Proies, Andrée A. Michaud s’est accordé une petite pause, l’hiver dernier, avant de se remettre sans tarder à un autre projet. « J’avais l’impression de tourner en rond, que ma vie n’avait aucun but. Quand je n’écrivais pas, je me cherchais de l’ouvrage, comme on dit, alors j’ai commencé autre chose. »

Heureusement, la pandémie n’aura pas réussi à miner son inspiration. « Je vis en campagne, dans un village assez loin des grandes villes, donc mes sorties sont limitées. Et je vis de manière plutôt isolée, casanière ; donc, pour moi, ça n’a pas changé grand-chose. »

Elle a donc continué à écrire tous les jours, autant que possible, et son nouveau chantier compte déjà une quarantaine de pages. « Je ne sais pas où ça va me mener… C’est le tout début. » Le mystère reste entier.

Proies

Proies

Québec Amérique

344 pages