Certains noms sont plus difficiles à porter que d’autres. Quand son grand-père paternel (Michel Debré) a été premier ministre ; que son patronyme a servi à baptiser des lieux publics de Paris ; ou que ce legs devient un poids quotidien face à la déchéance de ses parents. « Dans une société enfin moderne les noms de famille disparaîtraient », écrit Constance Debré dans Nom.

À la mort de son père, le journaliste François Debré, l’auteure de Love Me Tender cherche à faire le vide pour être enfin libre de ce nom, se délester de ce fardeau dont elle ne veut pas et auquel elle ne croit pas, dans l’espoir d’en finir enfin avec ses origines.

De ce style saccadé, télégraphique qui s’accorde si bien au récit, elle remonte aussi loin que sa mémoire le lui permet, jusqu’à ces images fugitives de son passé – son père en filigrane, toujours parti en reportage aux quatre coins du monde ou absent dans son propre salon, « à se foutre de tout » et à fumer de l’opium avec sa mère, quand ils ne se disputaient pas.

Puis lorsque cette drogue de bourgeois, comme elle l’appelle, cède la place à l’héroïne et aux médicaments, et à l’alcool quand il n’y aura plus d’argent pour payer le loyer parce que son père aura fini par perdre son travail, elle et sa sœur vivront chez leurs grands-parents, dans des appartements temporaires ou à l’hôtel.

Entre passé et présent, Constance Debré raconte son mépris pour la bourgeoisie de son père et l’aristocratie de sa mère, ses étés dans le château basque de sa famille maternelle – « petite collection de morts jeunes et de morts violentes », victimes de la drogue, des médicaments et de l’alcool, comme sa mère, d’ailleurs, qu’elle perdra à 16 ans.

Malgré tout, Constance Debré aura réussi à tenir le coup jusqu’à ses 40 ans dans tous ses « petits succès bourgeois » ; elle sera avocate, épouse et mère avant de tout plaquer pour écrire des livres.

Nom est une page qui se tourne dans son histoire familiale, la fin d’un chapitre à laquelle nous assistons avec une certaine admiration pour celle qui a eu le courage de vivre comme elle l’entend. Et s’il nous laisse sur notre faim, c’est qu’on referme le livre avec l’impression qu’il marque un tournant, tout en ouvrant la voie à de prochains romans qu’on attendra avec impatience.

Nom

Nom

Flammarion

176 pages

8/10