(Paris) Dix ans après le coup de génie qui l’a fait connaître, La vérité sur l’affaire Harry Quebert, le romancier suisse Joël Dicker fait fructifier son entreprise littéraire : ses livres lui appartiennent entièrement, et sa maison d’édition démarre en ne publiant que lui.

L’affaire Alaska Sanders, son sixième roman, est la première nouveauté des éditions Rosie & Wolfe, parue en Suisse le 3 mars, à paraître en France jeudi.

Derrière cette maison de Genève, le projet d’un écrivain à succès : Joël Dicker en personne. À ce stade, un seul auteur au catalogue, et six titres : cinq rééditions, dont celle du fameux roman policier de 2012 qui l’a lancé, et cette nouveauté qui, prévient le bandeau, est « la suite de Harry Quebert ».

Chez le nouveau chef d’entreprise, on sent un mélange d’ambition méthodique, qui lui a fait monter ce projet avec toutes les chances de réussir, et d’action instinctive.

Ses intrigues tortueuses, par exemple, il ne les conçoit pas de A à Z avant de se lancer dans l’écriture, explique-t-il à l’AFP, à l’occasion de la promotion à Paris, au pas de charge, de L’affaire Alaska Sanders.

Science du rebondissement

« Je n’ai pas du tout de plan. Et c’est ce qui me plaît. Je ne dis pas ça comme une prouesse, non, c’est ce qui me passionne moi, de me demander : qu’est-ce qui va se passer ? », affirme-t-il.

Les fans — et ils sont nombreux – s’y retrouveront facilement.

L’écrivain Marcus Goldman et le policier Perry Gahalowood font à nouveau équipe pour débusquer le vrai coupable d’une vieille affaire que, dans le New Hampshire, l’on croyait élucidée depuis longtemps. Même ambiance provinciale, mêmes allers-retours entre passé et présent, même science du rebondissement que dans Harry Quebert et ses cinq millions d’exemplaires vendus à travers le monde, record pour un roman francophone des années 2010.

Pour les premiers critiques de L’affaire Alaska Sanders, Joël Dicker déborde encore de bonnes idées. « Un tsunami de rebondissements et de fausses pistes, un Himalaya de suspense, un Everest d’émotion », selon la radio RTL. « Il est impossible de lâcher le nouveau Joël Dicker […] Une aventure passionnante », estime le quotidien Le Parisien.

D’autres lecteurs pensent que le filon commence à s’épuiser, et que les éditions Rosie & Wolfe n’auront jamais la même exigence que l’éditeur qui l’a lancé, Bernard de Fallois.

« Bravo mon coco »

L’intéressé dément : on le corrige toujours avec la même acuité. Il a emmené dans l’aventure les deux personnes qui l’éditaient depuis la mort de Bernard de Fallois en 2018.

« Je ne suis pas éditeur, ce n’est pas moi qui me relis en disant : bravo, mon coco, c’est magnifique. J’ai une structure avec des gens qui s’occupent de ça […] Ce n’est pas de l’autoédition : l’autoédition c’est quand vous faites tout, tout seul », insiste-t-il.

Le modèle était à inventer quand Joël Dicker a annoncé il y a un an la création de sa maison. Rosie & Wolfe a choisi de publier, à partir de 2023, des traductions de coups de cœur de son fondateur. Les francophones ? Plus tard, éventuellement.

L’écrivain n’a aucune intention de s’intégrer au milieu de l’édition parisienne, ni de lui chiper le prochain écrivain phénomène, pour chasser les prix littéraires.

« Peut-être que le fait d’être suisse, basé à Genève, m’affranchit de beaucoup de codes que je ne connais pas bien, et me permet de mettre en place beaucoup de choses que je ne pourrais pas me permettre à Paris, parce que j’aurais le regard de ceux qui disent : attention, ça, on ne l’a jamais fait comme ça », estime-t-il.