On dit qu’à défaut de voyager, on peut toujours s’évader dans les pages d’un livre. C’est exactement ce qui se produit quand on plonge dans le dernier opus de Chantal Thomas. La nouvelle membre de l’Académie française (elle a repris le fauteuil numéro 12 laissé vide par Jean d’Ormesson, mort en décembre 2017) nous convoque à un voyage au cœur de ses souvenirs d’enfance, dans la magnifique région du bassin d’Arcachon, près de Bordeaux. Et c’est une expérience belle et émouvante.

Chantal Thomas est une contemplative hypersensible qui voit tout et qui capte tout. Dans ce livre, elle nous livre avec une maîtrise admirable le fruit de ses observations et de ses méditations d’enfant : les étés à la plage, le bruit des vagues, les jeux de sable avec les amies de vacances, la symbiose avec la nature, la forme d’une pomme de pin, les mots des adultes autour, les silences remplis de sens…. Cette femme a un univers tellement riche, on la remercie de le partager avec nous. Et puis c’est une fille du pays, et ça se sent dans chacune de ses descriptions. Pour qui a déjà grimpé la dune du Pilat ou mangé des huîtres bien charnues chez un ostréiculteur du Cap Ferret, ce livre est tout simplement un cadeau.

Une fille et son père

Jusqu’en 2017, Chantal Thomas avait publié des essais (sur Sade, Casanova, Barthes…) ou des romans historiques (Les adieux à la reine et L’échange des princesses sont un must). Mais à la fin des années 2010, elle a entrepris un cycle plus personnel dans lequel elle replonge dans l’enfance ainsi que dans ses souvenirs de voyages.

Dans Souvenirs de la marée basse, elle écrivait sur sa mère et sur la mer. Dans De sable et de neige, elle nous parle de son père. Tout un défi de parler d’un homme taiseux qui vivait beaucoup dans sa tête. Elle réussit avec beaucoup de finesse et d’amour à faire jaillir ce personnage en décrivant ses silences et ses absences. Elle raconte aussi la complicité père-fille qui s’est construite autour de voyages de pêche et de descentes en skis.

Plutôt que d’en souffrir, Chantal Thomas a fait des silences paternels une source d’inspiration : « S’il y avait eu en mon père, enfouis sous son mutisme, des romans rêvés, des aventures fantasmées, des pays convoités, je tenterais, au hasard, de leur donner réalité. Je ne saurais jamais lesquels bien sûr, je n’aurais d’autre guide que l’intensité de l’émotion : l’éclat de l’instant », écrit-elle.

Émotion et découverte

Tout au long du livre, avec sa plume magnifique, Chantal Thomas puise dans ses nombreuses références historique, philosophiques et littéraires – sans jamais écraser le lecteur de son savoir. Elle nous entraîne plutôt dans une danse, nous élève et nous donne envie d’adopter le même point de vue qu’elle sur la vie, une vie qu’elle aborde toujours en mode découverte.

Rempli d’émotion sans jamais être larmoyant, De sable et de neige parle de deuil et d’absence. Le père de Chantal Thomas est mort brusquement, à l’âge de 43 ans. Elle avait 17 ans. Il faudra beaucoup de temps avant qu’elle se réconcilie avec certains paysages, et certaines activités qu’ils pratiquaient ensemble furent bannies à jamais.

Le livre – qui contient de superbes illustrations ainsi que des photos prises par son compagnon, Allen S. Weiss – se termine à Kyoto. Le couple séjourne quelques mois dans cette mythique ville japonaise que l’auteure évoque avec justesse et sensibilité (elle en avait parlé plus longuement dans Café Vivre). C’est la veille de l’anniversaire de la mort de son père et une douce neige tombe sur la ville. Un tourbillon de flocons qui tournoient avec élégance avant de se déposer délicatement, comme les mots de Chantal Thomas.

Pour la sortie de son livre, Chantal Thomas a accordé un long entretien à la librairie Mollat, une adresse incontournable à Bordeaux, et une des plus importantes librairies françaises.

Pour visionner l’entretien

IMAGE FOURNIE PAR LA MAISON D’ÉDITION

De sable et de neige, de Chantal Thomas

De sable et de neige
Chantal Thomas
Mercure de France
196 pages
★★★★