Quantité d’auteurs se sont penchés sur les premiers pas dans la vie d’un jeune homme inexpérimenté qui découvre l’amour en compagnie d’une femme plus âgée – on pense à Orhan Pamuk avec La femme aux cheveux roux ou encore à Mario Vargas Llosa avec La tante Julia et le scribouillard.

Le Turc Ahmet Altan, qui s’était fait remarquer en 2019 avec ses textes de prison (Je ne reverrai plus le monde, Actes Sud), en profite toutefois pour explorer d’autres questions qui accordent une profondeur intéressante à ce roman d’une grande sensibilité, également écrit derrière les barreaux, et qui a remporté le prix Femina du roman étranger en octobre dernier.

« On n’apprend pas grand-chose sur l’existence, dans les familles heureuses, je le sais à présent, c’est le malheur qui nous enseigne la vie », affirme Fazil, le jeune narrateur. À peu près au même moment où il rencontre la voluptueuse Madame Hayat, Fazil fait la connaissance de Sila, une jeune femme de son âge qui étudie comme lui la littérature. Il partage en outre avec elle ce statut de « nouveau pauvre » qui est désormais le sort de bon nombre de leurs compatriotes se faisant confisquer leurs biens par les autorités, quand ils ne sont pas tout simplement arrêtés. Dans les bras de Madame Hayat, il oublie tout, jusqu’à ses cours, tandis qu’avec Sila, il entrevoit un avenir différent.

Alors que le pays sombre dans la noirceur et qu’émerge la peur, que la solidarité fait concurrence à la méfiance et à la crainte d’être dénoncé, il devra prendre la décision la plus importante de sa vie, désormais incapable de fermer les yeux sur tout ce qu’il a appris en l’espace d’une année : partir ou rester.

Madame Hayat

Madame Hayat

Actes Sud

272 pages

7/10