Après Sourire en coin ou les ruses de l’autodérision, l’an dernier, et Tu écouteras ta mémoire, en 2019, Gilles Archambault continue le récit de sa vie avec Il se fait tard. Dans son recueil de nouvelles de 2017, il se demandait Combien de temps encore ? Son médecin lui a récemment répondu qu’il vivrait jusqu’à 100 ans. L’écrivain vit pour écrire, l’étincelle à l’œil et la lucidité comme compagnes.

Gilles Archambault a publié une quarantaine de livres depuis son premier roman en 1963, Une suprême discrétion. Son prochain recueil de nouvelles s’intitulera Mes débuts dans l’éternité (inspiré d’un poème de Valéry Larbaud). Entre discrétion et éternité, mais toujours avec humour, ses livres délaissent de plus en plus la fiction. Il se fait tard revisite certains moments de sa vie avec tendresse et un certain apaisement.

« S’il y a une chose dont je suis content, c’est que, venant d’un quartier populaire et d’une maison sans livres, je me suis intéressé à la littérature assez jeune et cela a complètement changé ma vie. La littérature a été une façon d’être, de me demander pourquoi je vis, tout en sachant qu’il n’y a pas de réponse. »

Je pensais à certains écrivains comme Stendhal, et ça me permettait de continuer. Je n’avais rien d’un Rimbaud. Le génie ne me visitait pas. Il n’y avait pas d’illuminations. J’avais plutôt un côté petit ouvrier de l’écriture.

Gilles Archambault

« Dans la vie, on réussit certaines choses, mais on en rate un paquet aussi. J’ai pu connaître l’amour, ma femme [disparue il y a 10 ans] et mes enfants. Écrire n’est pas un métier, mais une chance que j’ai eu ça… »

Dans les récits d’Il se fait tard, on retrouve l’écrivain qui doute, qui rit, qui aime, qui ne se fait pas d’illusions, mais qui souhaite à ceux et celles qui lui survivront de pouvoir espérer le plus longtemps possible. Avec son style élégant et sans fioriture, Gilles Archambault reste maître du mot juste.

« Cioran dit : “Je ne prise rien autant qu’une prose squelettique, traversée d’un frisson.” C’est mon idée de la littérature. Le moins de mots possible, des mots simples, mais qui portent. Le moins d’adjectifs possible, ce n’est pas nécessaire de dire que le ciel est bleu. Si vous êtes Simenon, il est bon qu’il soit gris. Il faisait aussi de petits romans. »

Lectorat

Pour ce « fieffé nostalgique » qui se dit « converti au présent », les lecteurs et lectrices sont toujours au rendez-vous. Des fidèles de longue date souvent, mais parfois plus jeunes également.

« Dans un salon du livre il y a deux ans, un jeune homme de 21 ans est arrivé en disant que ce que j’écrivais était tout à fait pour lui. Ça m’a fait plaisir, vous n’avez pas idée. Il avait lu mon faux roman Doux dément [l’histoire d’un homme de son âge qui tombe amoureux d’une femme beaucoup plus jeune que lui]. Je peux être embêtant pour pas mal de monde, je crois, mais j’ai un certain ton qui peut plaire. »

Il ajoute : « La devise de Boréal il y a quelques années était : “Qui m’aime me lise”. J’en suis là. »

On veut être aimé, mais un écrivain qui fait des efforts pour être aimé est une putain. Dans le fond, on ne s’adresse qu’à ceux qui sont enclins à vous lire. Pour un écrivain, ce n’est pas un livre qui compte, mais l’ensemble.

Gilles Archambault

Même quand il paraît sérieux, Gilles Archambault reste un pince-sans-rire imbattable. « Comme disait Desproges, que j’adore, on peut se moquer de tout dans la vie, mais pas avec n’importe qui. » Mais son amabilité n’a rien à voir avec l’humilité, souligne-t-il.

« Je ne suis pas humble du tout. L’humilité, il ne faut pas se faire d’histoire avec ça. Si on est vraiment humble, on ne se met pas à écrire. On met son nom sur un livre et on le met en vente, il ne faut pas l’oublier. »

Amis disparus

L’écrivain qui savoure Les plaisirs de la mélancolie (1980) se rappelle ses amis disparus, notamment l’écrivain Claude Mathieu et le journaliste Louis Martin, dans ce livre de souvenirs. Il y parle de ses enfants et de sa mère aussi, qui a tenu un journal intime, découvert sur le tard.

« J’ignore si elle connaissait la définition du mot goujat qu’elle a écrit à propos de moi. Je crois qu’elle m’en voulait d’avoir accédé à un autre ordre des choses. Pourtant, je n’ai pas quitté le monde ouvrier pour accéder à la bourgeoisie. Non, je vivais à l’écart. »

Plus jeune, il écrivait le jour et travaillait le soir à Radio-Canada pour son émission Jazz soliloque. Gilles Archambault n’a jamais fait fortune avec l’écriture ou comme pigiste radiophonique. Il n’a jamais couru les récompenses qui le font plutôt rire. Les « stars littéraires » encore plus.

« Je doute beaucoup de moi-même. Quand les gens me demandent : qui auriez-vous aimé être ? Je réponds : moi, mais réussi. »

Il se fait tard

Il se fait tard

Boréal

120 pages