Des vêtements de scène enterrés dans un cimetière, des coups de couteau, un incendie, des idoles décapitées, un cercle secret aux pratiques s’apparentant au satanisme, Sébastien Chabot multiplie les références à l’univers du black métal scandinave – et de son groupe maudit, Mayhem – dans son roman justement intitulé Noir métal. Son récit campé dans un village perdu de la vallée de la Matapédia ne s’adresse pas aux cœurs sensibles.

Il y a dans l’inquiétante étrangeté qui enveloppe le village de Sainte-Florence des traits de parenté avec les histoires imaginées par David Lynch – ce que l’éditeur souligne en quatrième de couverture, d’ailleurs. Il y a aussi du Patrick Senécal dans ce que ce roman a de sordide, dans ces descriptions de matières organiques grouillantes ou saignantes, dans les esprits dérangés de ses principaux personnages.

Le faux calme qui règne au début est bousculé par un jeune homme, un fils du village, qui rentre au bercail après un passage en centre jeunesse. Il se terre dans le silence, mais on devine rapidement qu’il ne cherche pas la paix d’esprit. Plutôt la vengeance. On n’est pas seul à le pressentir, le Général, le personnage « gourouesque », voire luciférien, qui domine la communauté, le comprend aussi.

Et peu à peu, c’est tout un monde de corruption, de secrets mal cachés et de violences qui se dévoile. Une arrière-scène où il y a des abus d’enfants et d’autres crimes dont on a voulu effacer les traces. Sans oublier ces mutations étranges subies par les animaux de la région que les habitants appellent désormais des « requins-scies ».

Il y a des traits caricaturaux dans certains personnages de Sébastien Chabot, mais son roman est tenu par une écriture puissante. Son souffle est sulfureux, et sa plume, truffée d’images fortes, originales, et de tournures qui sonnent comme des trouvailles. Il manie aussi bien la phrase généreuse, au rythme et au langage recherchés, que les dialogues bruts. Sa petite Eva, fillette à la langue bien pendue, prend corps dans les mots que l’écrivain lui met en bouche.

Il faut aimer se plonger dans les univers malsains pour le goûter pleinement, ce Noir métal. Or, même en n’étant pas amateur de ce type d’émotions sombres et d’odeurs de souffre, on ne peut que reconnaître le grand talent à l’œuvre ici.

Noir métal

Noir métal

Alto

272 pages

7/10