Un professeur blanc part dans le Grand Nord pour enseigner à de jeunes Inuits. C’est le point de départ de deux romans à saveur autobiographique qui se ressemblent sur certains points, mais qui présentent des différences fondamentales. L’un des professeurs vit cette expérience comme une aventure passionnante, l’autre la ressent comme une épreuve plutôt pénible.

Comme le personnage principal de son roman, Le territoire sauvage de l’âme, Jean-François Létourneau a enseigné pendant trois ans à l’école Jaanimmarik à Kuujjuaq, au Nunavik. Maintenant enseignant au cégep de Sherbrooke et chargé de cours à l’Université de Sherbrooke, M. Létourneau est un spécialiste de la poésie autochtone francophone.

Justement, son écriture est discrètement poétique, jamais ampoulée. De la langue inuite, il dit : « L’inuktitut sonne comme les rapides de la Koksoak sur les roches, comme les craquements de la banquise par une nuit d’hiver. »

La nature prend d’ailleurs une grande place dans son récit, qu’il s’agisse de la sévère mais magnifique toundra du Nunavik ou de la prucheraie qui abrite la famille de son personnage principal, Guillaume, à son retour dans la région de Sherbrooke.

PHOTO JEAN-FRANÇOIS DUPUIS, FOURNIE PAR BORÉAL

Jean-François Létourneau, auteur du Territoire sauvage de l’âme

Jour après jour, Guillaume raconte à ses enfants ses expériences dans le Nunavik. L’auteur utilise la deuxième personne du singulier pour ce récit, un choix audacieux qui fonctionne particulièrement bien et qui ajoute un grand réalisme à ces souvenirs.

De toute évidence, la vie n’a pas toujours été facile pour Guillaume à Kuujjuaq, mais il a réussi à se faire une petite place dans la communauté grâce à ses habiletés au hockey. Le jeune homme a su s’épanouir au contact du territoire et de ses habitants et la nostalgie imprègne doucement le récit de ses aventures.

Le territoire sauvage de l’âme

Le territoire sauvage de l’âme

Boréal

144 pages

8/10

Territoire hostile

L’expérience d’Irina, l’héroïne de Felicia Mihali dans Une nuit d’amour à Iqaluit, est très différente. Le territoire lui semble hostile, le contact avec ses élèves est difficile. Elle entend passer une seule année à Iqaluit, pas une minute de plus.

Elle traîne un certain passé. En fait, Felicia Mihali a donné vie à Irina dans un roman précédent, La bien-aimée de Kandahar, paru en 2016, et cette année scolaire dans le Nunavut est une façon pour Irina de rompre avec ce passé et de regarder vers l’avant. Sa rencontre avec le policier Liam O’Connor vient cependant compliquer ce plan.

Felicia Mihali, romancière, traductrice et éditrice de Montréal, a aussi passé une année à enseigner à Iqaluit, en 2017, mais il s’agissait essentiellement de s’imprégner de l’endroit (et de minimiser les distractions) pour écrire Une nuit d’amour à Iqaluit.

Il faut savoir que la nuit dure des mois à Iqaluit en plein hiver. Le récit est riche de détails, de personnages complexes. Mais on n’y trouve pas de sentimentalité. Ici, les professeurs de l’école L’Aurore boréale ne forment pas une petite tribu serrée comme celle de l’école Jaanimmarik et Irina ne cherche pas à socialiser outre mesure. À vrai dire, le personnage principal d’Une nuit d’amour à Iqaluit ne semble pas particulièrement sympathique, ce qui limite l’empathie que les lecteurs pourraient lui manifester.

L’auteure mène toutefois habilement l’intrigue et les divers revirements sont à la fois étonnants et parfaitement conséquents.

Une nuit d’amour à Iqaluit

Une nuit d’amour à Iqaluit

Hashtag

392 pages

7/10