Féru de polars, Marc-André Chabot a toujours caressé le rêve de pondre un jour, lui aussi, une énigme haletante et bien ficelée, ce qu’il a fait avec brio avec son premier roman Dis-moi qui doit mourir. Il remet ça avec bonheur avec Dis-moi qui doit vivre. Entretien avec un indigné ordinaire… qui invente des histoires qui sont tout sauf ennuyeuses !

Même si c’est à la télévision, comme réalisateur, qu’il a fait sa carrière, M. Chabot a toujours eu le rêve d’écrire un roman, un polar plus particulièrement, un genre qu’il affectionne. Il y a plusieurs années, il a pondu un scénario avec l’espoir d’en faire une série télévisée, mais s’est heurté à des portes closes. Il a donc décidé d’en tirer un roman, qu’il rédigeait à temps perdu.

En 2018, il signe la biographie d’Étienne Boulay chez Librex. Son éditrice s’enquiert de son intérêt à écrire autre chose. Il lui avoue alors avoir un roman policier, presque achevé, qui dort dans ses tiroirs. C’était Dis-moi qui doit mourir, qui connaît, à sa publication en 2019, un beau succès. D’ailleurs, joli clin d’œil du destin, il vient de signer avec un producteur un contrat pour l’adaptation de son premier roman en série télévisée.

Il avait très envie de retrouver ses personnages – Antoine et sa femme Elizabeth, le lieutenant-détective Donald McGraw et sa douce Darcy – pour une nouvelle aventure. Il s’est donc lancé dans la rédaction de ce second roman où on fait également la rencontre d’un psychopathe en phase terminale, d’un tueur en série qui se prend pour un justicier, de quelques avocats trucidés et d’un père endeuillé, avec des apparitions (avec leur permission) de personnalités connues comme Paul Arcand et Patrick Senécal.

Déformation professionnelle de réalisateur, sans doute, mais l’écrivain travaille de façon très méthodique, détaille tout son plan de « A à Z », chapitre par chapitre, distillant les indices et accroches, avant de commencer sa rédaction. « J’ai vraiment besoin que ce soit clair, de savoir exactement où mon histoire s’en va », dit-il.

Et même si, oui, Dis-moi qui doit vivre est un polar, M. Chabot aime prendre quelques libertés par rapport au genre. Ses personnages de policiers, humains et droits, sont à des lieues de l’archétype du vieux flic alcoolo et dépressif ; il met en scène des couples heureux qui s’aiment d’une façon mièvre totalement assumée et ses dialogues sont remplis d’un humour bon enfant. « J’avais envie d’un roman lumineux, avec, oui, une enquête policière, mais aussi un côté humain, des personnages qu’on aime et où on peut se retrouver. »

Quand la justice déraille

Bien qu’étant la « suite » du premier, ce roman peut aussi se lire seul. On y retrouve l’inspecteur flegmatique du SPVM, Donald McGraw, qui doit faire équipe avec la lieutenante Danielle Simard, de la Sûreté du Québec, afin de coincer un tueur en série qui a décidé de faire tomber les têtes d’avocats de la défense dans des mises en scène élaborées, pour le moins sanglantes et sadiques.

Comme plusieurs, M. Chabot a souvent été indigné par ces avocats qui défendent des criminels manifestement coupables en trouvant des failles dans le système, et c’est en quelque sorte ce qui lui a inspiré cette nouvelle intrigue, totalement « fictive », tient-il à préciser !

Diplômé en droit, M. Chabot n’a jamais pratiqué, mais il s’est toujours intéressé de près à la justice. Et s’il dit respecter énormément l’institution – un sentiment renforcé lorsqu’il a réalisé Dans les coulisses du Palais, pour Canal D –, il est aussi sensible à ses dérives parfois choquantes.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

L’auteur et réalisateur Marc-André Chabot

Je suis un gars ben ordinaire, qui a les mêmes réactions que le citoyen ordinaire. Quand le monde est en maudit, moi aussi, je le suis ! Je trouve ça important d’ajouter ces éléments de ma vie de gars ordinaire dans mon histoire, car je veux que ça sonne vrai.

Marc-André Chabot, réalisateur et auteur

Il est, de son propre aveu, quelqu’un qui peut s’indigner, parfois avec force, devant les injustices et absurdités de ce monde. Un peu comme son personnage Antoine, un civil indigné, portant en plus la douleur indicible de la perte d’un jeune enfant, qui était au centre d’une intrigue aussi prenante qu’étonnante dans Dis-moi qui doit mourir, où il se faisait offrir par le plus gros caïd de Montréal, dont il sauvait la vie de façon impromptue, un véritable cadeau empoisonné : lui transmettre une liste de cinq personnes de son choix à faire tuer.

Thérapie par l’écriture

L’écriture de son premier roman, raconte-t-il, et encore plus de ce second, a été libératrice, voire cathartique. Humble et affable, M. Chabot porte en lui une vieille blessure : la mort de sa petite sœur, il y a 30 ans, tuée par un fou du volant récidiviste au dossier très volumineux.

Alors en dernière année de droit, il a assisté au procès, qui s’est conclu par une peine clémente pour l’accusé. Il se souvient avoir signé une lettre ouverte dans les journaux à l’époque, déplorant le « gouffre » entre la théorie et la pratique en droit canadien. « Je l’évoque dans le roman, mais certains avocats de la défense vont arguer que c’est juste une game. Mais ce n’est pas une game ; il y a de la vraie douleur, de la vraie souffrance, des vraies victimes », lance-t-il.

Heureusement, raconte-t-il, la procureure de la Couronne avait décidé de mener bénévolement (pro bono) la cause en appel, où le verdict, cette fois beaucoup plus sévère, a longtemps fait jurisprudence dans les cas de conduite dangereuse causant la mort.

« Écrire un livre, et j’ai été vraiment surpris par ça, ç’a été une mini-thérapie pour moi, confie-t-il. Autant dans le premier que dans celui-ci, j’y distille des choses difficiles que j’ai vécues et que je transpose là-dedans. Ça m’a fait un grand bien, parce que ça m’a permis de faire la paix avec ça et on dirait que cette vacherie-là, en en faisant une histoire, elle n’est pas arrivée pour rien. C’est comme si j’avais trouvé une manière positive, constructive de m’en servir, au prix où je l’ai payé. »

En librairie le 26 mai

Dis-moi qui doit vivre

Dis-moi qui doit vivre

Libre Expression

384 pages