Parce que son éditeur lui a demandé de modifier ou de retirer des parties de son prochain livre qui pourraient être offensantes et qu’il a refusé, l’auteur Maxime Olivier Moutier a dénoncé lundi soir sur Facebook la censure dont il estime avoir été l’objet et a annoncé que son livre, qui devait être publié le 28 avril, ne le sera pas.

Dans une longue publication Facebook, Maxime Olivier Moutier, auteur d’une douzaine de romans depuis 25 ans, a affirmé qu’il refusait de « se soumettre aux nouvelles injonctions » de son époque et revendiqué la littérature comme un espace de liberté totale. Joint au téléphone en soirée, Maxime Olivier Moutier se disait plus déçu que fâché par la situation.

« Je comprends pourquoi ils ont fait ça et je ne veux pas les basher. Mais je pense qu’ils n’ont pas raison. De la littérature qui dérange, c’est ce que je fais. »

Atelier d’écriture — Miscellanées est un recueil de 500 pages sur lequel l’auteur travaillait depuis huit ans. Il avait déposé son manuscrit il y a plus d’un an à Quai n° 5, collection de la maison d’édition XYZ, et avait commencé à travailler sur son texte avec son éditeur, Tristan Malavoy, l’été dernier.

Le livre était annoncé ainsi dans la programmation hiver-printemps 2021 de Quai n° 5 : « Réflexion en style libre sur des thèmes comme les chevaux, la mort, Jésus, le Stade olympique, le nanisme ou les sacs plastiques. Atelier d’écriture, au-delà du bonheur d’apprendre mille et une choses, nous laissera avec des questions aussi belles qu’impossibles : où est le vrai, où est l’exagération ? Qui s’exprime derrière ces textes volontiers subversifs ? »

Il y a une dizaine de jours, alors qu’il était en train d’apporter les dernières corrections après l’ultime révision, un courriel de son éditeur lui a annoncé que des passages de son livre posaient problème.

« On m’a dit que XYZ avait signé un pacte de respect et d’inclusivité et que ça ne passait plus. Je ne sais pas de qui c’est venu exactement, alors que des gens qui l’avaient lu avant n’y avaient rien vu de controversé. »

Il a été impossible lundi soir de vérifier avec XYZ l’existence et la teneur exacte de ce « pacte », et s’il a une incidence sur le contenu éditorial.

Maxime Olivier Moutier a d’abord accepté de faire certaines des modifications demandées.

J’ai accepté d’enlever un texte sur Israël, et c’était un gros sacrifice parce que je l’aimais beaucoup. Mais ça faisait huit ans que je travaillais sur ce livre et je voulais le publier. Puis il y en a eu un autre, sur les gros et les nains, qui n’est pas passé. Mais il y a une distance dans ce que j’écris, je ne suis pas niaiseux ! Je suis toujours sur la ligne mince, il y a de l’exagération. Alors je n’ai pas voulu aller plus loin parce que, pour moi, rendu là, c’est de la sensiblerie.

Maxime Olivier Moutier, auteur

C’est parce qu’il a refusé de faire davantage de compromis qu’il a compris, après quelques échanges de courriels, que son livre ne pourrait être publié. « Eux ne voulaient pas s’associer à ce genre de propos. Et moi, après une semaine de négociations, j’ai dit que je ne voulais pas me prostituer et que je ne voulais plus rien toucher. »

Risque

Chez XYZ, l’éditeur Tristan Malavoy n’a pas voulu commenter la situation et nous a renvoyée au service des communications de la maison d’édition.

« En date du 8 février, l’éditeur et l’auteur n’avaient pas pu atteindre un point de rencontre dans la démarche éditoriale qui aurait permis d’aboutir à un manuscrit jugé final et publiable par les deux parties. L’éditeur n’ayant pas encore parlé à l’auteur depuis sa publication sur Facebook, nous jugeons prématuré d’émettre d’autres commentaires », nous a-t-on répondu par écrit par l’entremise de l’attachée de presse Johannie Leclerc.

« Cette réponse n’est pas tout à fait vraie parce que le livre était prêt à être publié, rétorque Maxime Olivier Moutier. Quand tu fais le travail normal d’édition sur un livre et que tu ne t’entends pas avec ton éditeur, tu ne vas pas sur Facebook ! Là, je n’ai rien vu venir. Et c’est quand j’ai compris lundi matin que les carottes étaient cuites que j’ai décidé de faire une publication en soirée. »

Maxime Olivier Moutier était conscient qu’à la sortie du livre, il aurait eu à répondre à des questions.

Mais je suis capable de me battre avec le public, avec les critiques. J’assume ce que j’écris et, si vous n’aimez pas ça, je vais me défendre. Je savais que je prenais un risque, mais, avec l’époque, c’est justement le livre qu’il faut sortir ! Pour montrer que la littérature ne cède pas. Mais le livre n’est pas encore sorti qu’ils disent déjà non. Parce qu’ils ont peur. De la réaction du public, des plaintes, je ne sais pas…

Maxime Olivier Moutier, auteur

Sachant que son livre précédent était une sorte de canular littéraire, on lui demande si cette histoire pourrait être un coup de pub pour faire mousser la vente de son livre.

« On pourrait penser ça, mais non. J’ai même proposé qu’on mette un bandeau sur le livre avec un avertissement, mais ce n’était pas suffisant. Je ne pense pas qu’il va sortir. »

Encore en état de choc, Maxime Olivier Moutier ne sait pas s’il se tournera vers d’autres maisons d’édition. « Je vais réfléchir. C’est une longue démarche, et j’ai peur de revivre la même chose. Je ne suis pas en train de vouloir partir en guerre. Je suis allé selon mes valeurs et je ne vais pas pleurer si ce livre n’est pas publié. J’en ai eu d’autres. »