En plus d’être comédien, metteur en scène, danseur et performeur, Mathieu Leroux est écrivain. Il le prouve amplement avec son troisième roman, Avec un poignard, où il joue habilement avec la forme pour mieux faire entrer le lecteur dans la tête de son narrateur, un poseur de bombes dans sa vie intime qu’on sent très proche de lui.

Son roman n’a pas une prémisse à faire décrocher la mâchoire : un homme qui se fuit lui-même dans les nuits de Las Vegas, où il commet tous les excès, ça ne gagne pas un trophée d’originalité. Ce qui lui donne de la profondeur, c’est le dialogue intérieur que tient le narrateur avec lui-même en s’adressant à deux hommes dont les absences répétées l’ont brisé.

Saïd, un ancien amant, et Jean-Michel, son père, agissent ainsi comme des révélateurs du narrateur, au sens photographie du terme. Ce n’est pas un hasard si Mathieu Leroux insère des polaroïds à imaginer dans son roman…

S’agit-il d’une fiction ? D’une autofiction ? Peu importe : ce récit qui sent l’alcool et le sexe, plein de tension et parfois de violence, a sa propre vérité. Il happe par sa langue forte en images, un style intense et une forme hybride dont l’auteur maîtrise parfaitement les glissements.

Mathieu Leroux a en effet le sens de la mise en scène littéraire. Il sait mesurer ses effets, qu’il dialogue avec Kafka et David Bowie ou qu’il raconte des nuits sans fin. Surtout, il cartographie avec précision le vide intérieur et trouve des angles éloquents pour parler des amours manquées… et de l’amour qui a manqué.

Mathieu Leroux
Avec un poignard
Héliotrope
249 pages