Birkin Gainsbourg, le symphonique, concert qui devait avoir lieu à la Place des Arts, a été annulé. Jane Birkin montera quand même sur scène à Montréal, à l’invitation du Festival international de la littérature, pour lire des extraits de ses journaux intimes Munkey Diaries et Post-Scriptum. Entretien.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de porter vos journaux intimes sur scène ?

Rien du tout, c’est la première fois que je le fais. On me l’a demandé… J’ai fait des interventions avec Claire Chazal ou Laure Adler à la télé où elles lisaient des extraits et je commentais. Je l’ai fait aussi en Italie, où des actrices lisaient et je commentais. C’est la première fois que c’est à moi de choisir les extraits et de les faire.

Qu’est-ce qui a guidé vos choix ?

J’ai pris des morceaux où je trouvais que je m’exprimais pas mal. L’internat, je n’en parle pas parce que ce n’est pas bien écrit, même si je trouve extraordinaire d’avoir été aussi malheureuse. […] J’ai choisi des choses qui me semblaient touchantes, drôles ou bien écrites. Je crois que le deuxième livre est plus articulé que le premier, mais il m’est difficile de choisir, de faire des coupes. Parfois, les choses sont bien sur une ou deux pages, mais ça prend trop de temps…

Qu’avez-vous vu en relisant ces journaux ?

Je n’ai pas beaucoup aimé ce que je voyais de moi-même… J’ai été prise de panique. Je me disais : non, non, non, je ne sortirai pas ça. J’avais la trouille d’abattre mes cartes. Puis, je me suis dit : et alors ? J’ai pris le risque de me montrer. J’avais peur que les gens soient déçus, qu’ils ne me trouvent pas aussi bien qu’ils le croyaient, qu’on se moquerait de ma naïveté. […] Je n’imaginais pas qu’on trouverait ça bien.

Des médias ont ressorti un extrait sur votre désir sexuel. Aviez-vous prévu qu’on allait y chercher du croustillant pour le mettre en évidence ?

Je ne pense pas qu’il y ait des choses très croustillantes… Moi, j’aurais plutôt mis le passage sur la poupée gonflable [un cadeau qu’elle a fait à Serge Gainsbourg], je trouve ça plus drôle. J’ai fait gaffe avec John Barry, Jacques Doillon et Serge. Pour le reste, ça parle d’une très grande instabilité personnelle. Je pense que c’est ça qui ressort. Quand je le lis aujourd’hui, je me dis : pauvre John Barry, il venait de gagner deux Oscars, c’était le compositeur le plus en demande de son époque et il se marie avec cette petite fille à peine sortie de l’internat, qui est hystérique s’il ne rentre pas à une certaine heure, qui ne sait pas quoi faire de ses journées. […] Je comprends que pour lui, c’était fatigant, et il cherchait des filles ailleurs. Je pense que j’étais insupportable, et ça se voit.

Vous semblez implacable avec vous-même…

Oui, c’est le cas. Je préfère poser ce jugement avant que les autres ne le fassent. Je ne suis pas dupe de moi-même.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Serge Gainsbourg et Jane Birkin, en 1977

Il y a déjà des poèmes dans vos journaux. N’avez-vous pas eu envie d’écrire davantage pour vous-même ?

Ce n’est pas arrivé parce que j’étais à côté d’un génie. Je savais que je n’étais pas à la hauteur. Parfois, je l’ai fait. Serge a trouvé le titre Yesterday Yes a Day et m’a laissé écrire des paroles, mais elles n’étaient pas géniales. Sinon, je n’avais pas osé jusqu’à Enfants d’hiver (2008). Je n’avais plus mon auteur…

Chanter Gainsbourg ou vos textes, c’est différent ?

Oui, parce que les textes de Serge, souvent, je les transcrivais en phonétique parce que je n’en connaissais pas toujours tous les mots. Il fallait juste que ça sorte et que j’aie l’émotion maximum. J’avais la très grande responsabilité de porter des textes sublimes et compliqués. […] Quand c’est mes propres paroles – je viens de faire un disque avec Daho [qui paraîtra en septembre] –, c’est plus facile. Ça ne veut pas dire que l’émotion n’est pas là, au contraire, parce que c’est plus frontal.

Vous chantez toujours Gainsbourg. C’est par responsabilité ?

C’est une forme de reconnaissance, car je pense qu’il m’a écrit les plus belles chansons qu’on puisse écrire pour quelqu’un d’autre, de mes 20 ans à sa mort. C’est rarissime. Il m’a fait chanter ses propres peines. Ce qui est un cas de figure psychologique étrange et intéressant… Je savais qu’il m’avait écrit les choses les plus belles et, quelque part, je me devais de les garder en vie.

Les réponses ont été éditées aux fins de concision.

Jane Birkin, Journaux intimes, le 1er mars au Théâtre Outremont

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