Si les crimes non résolus vous passionnent, l’affaire Dupont de Ligonnès, aussi appelée la tuerie de Nantes, vous est sûrement familière.

Il s’agit de cette famille – une mère et ses quatre enfants adolescents – assassinée en 2011. La police a retrouvé leurs corps – ainsi que les cadavres des deux chiens de la famille – sous un balcon de la résidence familiale, enveloppés dans des sacs de plastique enfouis dans un mélange de chaux. Seul le père, Xavier, ne s’y trouvait pas. C’est le principal suspect dans cette affaire horrible qui passionne non seulement les Français, mais tous les amateurs d’histoires criminelles (il y a eu une série sur M6, en France, et le drame est également l’objet d’un épisode d’Unsolved Mystery sur Netflix).

Xavier s’est-il suicidé quelques jours après avoir éliminé sa famille ou est-il en cavale depuis neuf ans ?

Dans L’ami impossible, Bruno de Stabenrath revient sur les faits et tente de comprendre ce qui s’est passé. Xavier est son ami d’enfance. Les deux hommes se sont liés vers l’âge de 16 ans et leur amitié s’est poursuivie, parfois interrompue par de longs moments de silence, à l’âge adulte.

La première partie du livre est consacrée aux débuts de leur amitié ainsi qu’à leur jeunesse. L’époque et le milieu décrits par l’auteur – acteur et écrivain – semblent appartenir à un passé très lointain : Bruno et Xavier ont grandi à Versailles dans des familles catholiques bourgeoises où il fallait obtenir la permission des parents pour fréquenter une jeune fille qui nous plaisait.

L’auteur raconte cette vie très BCBG ponctuée de messes du dimanche, des travaux scolaires et des boums entre amis dans des demeures cossues. Honnêtement, c’est un peu long et pas toujours palpitant.

On apprend tout de même que Xavier de Ligonnès (le Dupont viendra plus tard) a grandi dans une famille compliquée, avec une mère hyper catho, cheffe de secte qui reçoit des messages codés de l’au-delà…

Le jeune Xavier embarque à fond dans le délire de sa mère et s’absente à l’occasion pour partir en retraite fermée à un âge où généralement on pense davantage à s’éclater.

Xavier plaît aux filles, mais on le sent torturé. Après des allers-retours entre deux femmes, il se fixe finalement sur Agnès, jeune femme très croyante, elle aussi, et dotée d’un bel héritage. Ça compte dans l’histoire. Car Xavier a de la difficulté à trouver sa voie professionnelle. Il passe d’un boulot insignifiant à l’autre et rêve toujours de réaliser un coup d’argent.

Au fil des ans et des emprunts à ses proches, il s’enlisera financièrement jusqu’à se retrouver acculé à la faillite.

Est-ce que c’est ce qui l’a poussé à commettre l’irréparable ? Ou est-ce son rapport compliqué avec la religion qui l’a rendu fou ?

Bruno de Stabenrath essaie de comprendre ce qui s’est passé, allant même jusqu’à imaginer des scènes complètes dans lesquelles son ami planifie et exécute le quintuple meurtre… C’est la partie fiction de ce récit qui, pour le reste, a été construit à partir de souvenirs, de faits et d’entretiens avec les proches.

La seconde partie de L’ami impossible est donc beaucoup plus enlevante – on pense entre autres à L’adversaire d’Emmanuel Carrère – et on est happé par cette terrible histoire même si on en connaît l’issue.

★★★½

L’ami impossible
Bruno de Stabenrath
Gallimard
528 pages