« La transformation de Sainte-Sophie en mosquée est une gifle délibérée au visage de ceux qui croient encore que la Turquie est un pays séculier », écrivait Asli Erdoğan vendredi dernier dans les pages du quotidien français Le Monde.

C’est clair, l’écrivaine turque ne se taira pas, et ce, malgré les nombreuses attaques du régime en place qui tente de la museler régulièrement. Au fil des ans, celle qui vit aujourd’hui en exil – comme bien des intellectuels turcs – est devenue un véritable symbole de la liberté d’expression.

On se souviendra qu’elle a été arrêtée le 17 août 2016, soit un peu plus d’un mois après le coup d’État militaire raté dans son pays, puis emprisonnée durant 136 jours. Son crime : avoir publié des textes pro-kurdes dans les pages du quotidien Özgur Gündem, journal lié au Parti des travailleurs du Kurdistan. Asli Erdoğan avait été jugée coupable de « propagande terroriste » et d’« atteinte à la sécurité de l’État ». Après plusieurs péripéties, elle a finalement été acquittée le 14 février dernier. Jusqu’à la prochaine fois...

Car Erdoğan est loin d’avoir écrit son dernier mot. L’écriture est son arme, les mots sont ses munitions, et elle continue courageusement de publier des livres et des textes d’opinion.

Le titre de son plus récent livre, Requiem pour une ville perdue, semble faire allusion à l’actualité turque, mais il s’agit toutefois d’un livre publié originalement en 2009. Ce texte très poétique nous plonge dans le ventre d’Istanbul, mais nous fait surtout pénétrer dans l’univers intime de l’autrice, dans les méandres de ses pensées et de son imaginaire.

Écrit sous forme de prose, c’est un texte puissant et lyrique qui parle de création, de rêves, de mort et de solitude. C’est aussi une évocation d’Istanbul et du quartier de Galata, quartier portuaire très animé où Erdoğan a longtemps habité.

« J’ai l’impression d’être un coquillage, a confié Asli Erdoğan à L’Obs en avril dernier. Une voix sort de moi, comme le bruit de la mer. Je suis là pour transmettre ces mots. C’est une sensation très intense. Je le sens quand ça vient. C’est un sentiment presque mystique, plus grand même que le sentiment du bonheur. »

Requiem pour une ville perdue est un livre intense, comme son autrice, qui se déguste par petites bouchées et qui se médite longtemps après.

IMAGE FOURNIE PAR ACTES SUD

Requiem pour une ville perdue, d'Asli Erdoğan, traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes, Actes Sud, 144 pages

Requiem pour une ville perdue

Asli Erdoğan

Traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes

Actes Sud

144 pages

4 étoiles