Ce qui est arrivé à Jim Acosta, correspondant en chef de CNN à la Maison-Blanche, est tout à fait symptomatique de l’ère Trump.

Premièrement, ce journaliste aguerri a été pris à partie publiquement par le président lui-même. Durant une conférence de presse l’an dernier, Acosta a refusé de céder le micro à un confrère journaliste, ce qui lui a valu de se faire retirer sa carte de presse par l’administration Trump. Cette prise de bec hypermédiatisée lui a également valu l’épithète d’« ennemi public numéro un », une expression qui viendrait de Steve Bannon, ex-conseiller du président.

C’est à partir de ce moment que la relation du journaliste avec le président des États-Unis s’est transformée en guerre personnelle. Et c’est le deuxième symptôme de l’époque trouble actuelle : le fait qu’un journaliste abandonne sa neutralité parce qu’il se sent attaqué, voire menacé par le pouvoir en place. L’altercation a placé Jim Acosta au cœur de l’actualité et en a fait un opposant officiel, donnant ainsi du carburant au président Trump et à son entourage lorsqu’ils affirment que les journalistes sont en mission contre la Maison-Blanche.

On peut très bien comprendre qu’Acosta ait été en colère, mais fallait-il en faire une affaire publique ? C’est là que l’ego du journaliste aurait dû fondre. Or celui du correspondant en chef de CNN a gonflé et gonflé encore, et aujourd’hui, on peut se demander si sa crédibilité ne souffre pas de toute cette histoire.

Pourquoi alors devrait-on lire ce livre qui était très attendu, mais qui ne comporte finalement aucune grande révélation, aucun élément nouveau ?

En effet, on est loin des potins croustillants de Michael Wolff (Fire and Fury) ou des enquêtes journalistiques approfondies de Bob Woodward (Fear). Mais l’ouvrage de Jim Acosta demeure tout de même révélateur d’un certain état d’esprit qui règne à Washington. Pour qui s’intéresse à la politique américaine ou est curieux de comprendre le travail des médias de l’intérieur, c’est toujours intéressant de lire le témoignage d’un journaliste d’expérience qui est aux premières loges.

Cela dit, est-ce que Jim Acosta aurait dû passer plus de temps à la rédaction de son livre qui est paru (en anglais) sept mois seulement après sa prise de bec historique ? Absolument. Cela lui aurait permis d’arriver avec des faits nouveaux et un peu de recul. Il faut donc prendre L’ennemi du peuple pour ce qu’il est : un bouquin intéressant, mais écrit à chaud par un journaliste qui a peut-être une trop haute opinion de lui-même.

★★½

L’ennemi du peuple – Le journaliste, ennemi #1 de Trump, raconte la Maison-Blanche de l’intérieur, de Jim Acosta. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Santiago Artozqui, Harper Collins.