Les tremblements de terre sont toujours suivis de secousses secondaires. Si elles sont de moindre importance, elles suscitent les plus grandes frayeurs chez les victimes et les témoins.

Le court roman d’Hubert Mingarelli (dont un roman précédent, Quatre soldats, a été adapté au cinéma par Robert Morin) est construit autour de ce principe des secousses secondaires.

Nous sommes en Allemagne, en juillet 1945, deux mois et des poussières après la fin de la guerre. Dans la ville de Dinslaken, le narrateur, un photographe, part au hasard des routes pour prendre le portrait de gens simples. Il essaie de comprendre, ou plutôt de ressentir, ce qui s’est passé. Il est davantage mû par un instinct qu’un dessein. L’accompagne O’Leary, son chauffeur.

Dans l’écriture en phrases courtes de Mingarelli, l’un et l’autre des deux personnages sont comme des témoins. Ils sont tétanisés, figés, incertains. Impuissants aussi. Sans jamais verser dans l’horreur, ce qui défile sous leurs yeux est assez éloquent pour leur (et nous) faire comprendre que le pays est à la fois ravagé et frappé d’une culpabilité naissante.

En parallèle, O’Leary voit de plus en plus ses plaies d’enfance, passée dans la tranquille campagne anglaise, être rouvertes. On devine chez lui une victime de maltraitance. O’Leary souffre jusqu’au jour où, dans un geste désespéré, il vivra sa propre guerre, après tous les autres soldats.

★★★½

La terre invisible, Hubert Mingarelli, Buchet – Chastel, 182 pages