Après Encabanée, l’autrice Gabrielle Fliteau-Chiba remet ça avec Sauvagines, un récit engagé, parfois enragé, où la défense du territoire, de ses fruits et de ses animaux devient quête absolue, infléchissable.


Le roman suit Raphaëlle, une garde-chasse quelque peu désabusée qui travaille dans la région du Kamouraska pour la protection de la faune. Son rôle : empêcher les braconniers et les autres chasseurs en manque d’éthique de piller sans foi ni loi le territoire et de tuer sans vergogne ses animaux.

Vivant en solitaire de façon frugale dans une roulotte stationnée sur les terres de la Couronne du Haut-Kamouraska, amoureuse de la nature, protectrice des animaux, elle espère malgré tout couler des jours heureux dans son petit havre de paix alors qu’elle revient de Charlevoix, où elle est allée chercher Coyote, son nouveau chiot, et qu’elle célèbre son 40e anniversaire.


Malheureusement, une suite d’évènements lui fera comprendre qu’elle est moins en sécurité qu’elle ne le croit, dans sa forêt bien-aimée, alors qu’elle est épiée et narguée par un mystérieux braconnier qui se croit tout permis.

Peu à peu, alors que l’étau se resserre autour d’elle, que la chasse à l’homme (et à la femme) commence et que l’héroïne se sent gagnée par une impuissance qui la répugne, elle devra faire un choix entre les lois humaines et celle, souveraine, de la nature. Peut-on se faire justice lorsque le territoire est en jeu ?


Parsemé de jolies envolées poétiques et porté par un souffle romanesque tout en féminité qui rend hommage à la beauté et à la grandeur de la forêt, Sauvagines est aussi à bien des égards un pamphlet politique qui montre du doigt les nombreux coupables qui font que notre territoire est laissé aux mains de ceux qui ne sont pas là pour l’honorer, mais le dévaster : la société capitaliste, le gouvernement qui ferme les yeux et n’a que faire de la vérité, les fermiers éhontés qui déversent leur purin dans les rivières, les fonctionnaires indifférents ou carrément corrompus…

Tout y passe, ou presque. Le jupon de l’autrice dépasse dans cette charge à fond de train, cette révolte qui se redit, encore et encore, et qui alourdit par moments le récit, somme toute prenant, de cette guerre de tranchées qui transforme la forêt en huis clos inquiétant.

Cela dit, Sauvagines est une ode sentie, assumée, éblouissante même, à la préservation du territoire et de la nature en cette ère de dévastation écologique. C’est aussi, en filigrane, l’histoire d’une femme minée par une colère sourde, et portant des blessures qu’on devine profondes, qui apprendra à se reconstruire doucement au contact d’une autre, semblable à elle, une dénommée Anouk. Plongeant dans la métafiction, Filteau-Chiba établit ainsi des ponts entre ses deux œuvres, en amenant un peu d’Encabanée au cœur de Sauvagines. Un beau clin d’œil.

★★★½

Sauvagines, de Gabrielle Filteau-Chiba. XYZ, 320 pages.