La narratrice du premier recueil de Maude Jarry, thanatologue de formation, connaît déjà le deuil à venir de cet amour avec un « gars du BC », elle-même empoisonnée par le mal de vivre et un goût de mort.

« Tu achevais ta vingtaine/pendant que j’inaugurais/encore la mienne » nous situe dans le temps, et dans l’esprit. Ils sont jeunes, ils sont bohèmes, ils font trop la fête. Il y a la drogue, l’alcool, les bars, l’appart miteux, mais qu’importe quand on est deux, et « à la fin du printemps/quand on disait maison/on parlait de la même place ».

Elle est cependant de ces gens « vraiment tristes » alors qu’il est plus optimiste, et après une tentative de suicide, elle « regardait s’effeuiller sur le tard/toute la subtilité de la nuance/entre pas vouloir vivre/et souhaiter être morte ».

C’est un amour stérile, il s’étiolera tout seul, mais un amour quand même, peut-être son plus important. Il la remplacera par une autre, ils se recroisent et ont des rechutes, la douleur est tout le temps là, « de temps en temps/j’ai la gorge qui tremble/d’avoir hurlé pendant des heures/les prénoms bilingues/de nos bébés jamais conçus ».

Et cette douleur, elle la maquille, comme on imagine Maude Jarry maquiller un cadavre, et là où nous voyons du déni, elle voit de la magie.

Dans un style brutal, du côté sale de la vie, ceci est un authentique chagrin d’amour comme il y en a tant, qui se superpose au chagrin existentiel qui semblait avoir pris une pause, le temps d’une passion.

★★★ ½ Si j’étais un motel j’afficherais jamais complet. Maude Jarry. Les éditions de ta mère. 83 pages.