« Quand je suis une des premières femmes à faire quelque chose, je trouve surtout ça vraiment bizarre », lance Katherine Levac, qui deviendra dimanche la troisième dame, seulement, à animer le Gala Les Olivier.

Le gala dont Katherine Levac aurait vraiment aimé être l’hôtesse ? « J’avoue que je suis triste de ne pas avoir animé Karv, l’anti.gala », répond-elle en se remémorant la cérémonie doucement subversive de VRAK qui, de 2004 à 2014, a décerné des prix dans des catégories comme « Vous pissez dans vos culottes quand vous le voyez » ou « La chanson que vous faites toujours répéter sur votre lecteur MP3 ».

Mais pour l’heure, l’humoriste de 33 ans s’apprête à tenir la barre de la grande fête des drôles qui, selon elle, a comme principale mission de braquer sa lumière sur des créateurs à découvrir.

On s’entend que Martin Matte et Mariana Mazza n’ont pas besoin d’une vitrine pour se faire connaître, mais je me rends compte qu’il y a de plus en plus trois mondes : celui de TikTok, des podcasts et des réseaux sociaux, celui des salles et celui de la télé. Il y a beaucoup de gens qui gagnent leur vie avec l’humour qu’on ne voit pas à la télé et le gala peut faire le pont entre tous ces mondes.

Katherine Levac

Alors que l’écosystème des cérémonies de distribution de prix semble menacé d’extinction – le gala Artis et le gala Québec Cinéma sont passés à la trappe au cours de la dernière année –, Katherine Levac refuse de trop angoisser, malgré un cahier de charge costaud.

« Je me rends compte que c’est un mandat tricky pour une humoriste qui est habituée d’avoir beaucoup de contrôle », confie-t-elle à propos de l’influence de Radio-Canada et de l’Association des professionnels de l’industrie de l’humour (APIH) sur le déroulement de la soirée de dimanche.

« Mais au moment où on se parle, je suis très relax, précise-t-elle. Ce n’est pas que je m’en fous, au contraire. Mon laisser-aller ne me rend pas moins perfectionniste, je suis juste moins paniquée. L’avenir de l’industrie des galas au Québec ne peut pas reposer sur un numéro d’ouverture de sept minutes. [...] On a beaucoup parlé de ce qui va mal, en humour, au cours des dernières années, et je ne veux surtout rien enfouir, mais j'aimerais aussi célébrer ce qui se passe bien, le fait qu'il y a beaucoup de gens dans nos salles. »

Le reflet d’un milieu

En 2015, Katherine Levac est devenue la première femme de l’histoire des prix en forme de Monsieur Guimond à rentrer à la maison avec le trophée de la Découverte de l’année. Elle rejoindra dimanche le club tristement sélect de celles qui ont piloté ces festivités : Lise Dion en a été la première animatrice en 1999 et en 2000, et Claudine Mercier, la coanimatrice (avec Mario Jean), en 2001. Puis, pendant 20 ans, que des messieurs.

L’humoriste confirme que son monologue contiendra « quelques blaguettes » sur cette absurdité, qui ne la fait pas rire outre mesure. « Chaque année, on dit qu’il n’y a vraiment pas assez de femmes aux Olivier et je pense que c’est juste le reflet de ce qui se passe dans notre milieu », dit celle qui explique avoir par ailleurs tout déployé pour que le plus de femmes possible se retrouvent à l’écran.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Katherine Levac

Mais s’il n’y a pas assez de femmes dans les nommés, c’est peut-être parce qu’il n’y a pas encore assez de femmes sur nos scènes.

Katherine Levac

« Et s’il n’y a pas eu de femmes à l’animation pendant 20 ans, poursuit-elle, c’est parce qu’on n’a pas jugé que c’était bizarre. Ça fait quoi, deux ans, qu’on trouve ça étrange ? On est un peu hypocrite de dire que ça n’a pas de bon sens, alors que ça fait longtemps que ça aurait dû nous déranger. »

« Il faut faire confiance aux Jerr Allain de ce monde »

Quel genre d’animatrice sera-t-elle ? Pas de celles qui camouflent leur enthousiasme lorsque leurs chouchous l’emportent. Et si elle préfère ne pas dire qui elle aimerait voir couronné, Katherine Levac convient que l’absence de Québécois Tabarnak, d’Adib Alkhalidey, dans la catégorie du Spectacle d’humour de l’année, se défend difficilement. « Moi, je donnerais tous les prix à Adib ! Le prix de la Capsule radio, je le donnerais à Adib, même s’il ne fait pas de radio. »

Cette omission, « c’est ben bâtard, et c’est sûr que c’est difficile après de se dire que les galas sont trustables, mais c’est dans ces moments-là qu’il faut se rappeler c’est quoi, cette affaire-là : c’est des boîtes qui inscrivent leurs artistes, c’est l’industrie qui vote », observe-t-elle au sujet des limites de ce genre d’exercice. Elle s’étonne aussi qu’un humoriste qui déplace les foules comme P-A Méthot ne soit le propriétaire d’aucun Olivier.

Son principal souhait ? Que des artistes de tous les profils aient la main heureuse. Et que les visages moins connus qu’elle a conviés sachent tirer le meilleur de leur présence au marbre. Parce que lorsque le rideau retombe, rappelle-t-elle, on se souvient souvent davantage d’une présentation extraordinaire que des gagnants.

Votre journaliste émet le vœu de voir Jerr Allain, un habitué de la catégorie Podcast humoristique sans script de l’année, monter sur scène. « C’est la première entrevue durant laquelle on me parle de Jerr Allain », s’exclame Katherine Levac en riant, avant de revenir à la place qu’elle veut offrir dimanche aux humoristes plus en marge, qu’ils repartent gagnants ou pas.

« Je comprends que c’est de la télé et que les diffuseurs sont paniqués par les cotes d’écoute, mais on insiste beaucoup pour mettre des gens déjà connus à l’écran, regrette-t-elle. Pour eux, un Jerr Allain, ça n’a pas le potentiel de donner un moment fort. Mais je pense qu’il faut faire confiance aux Jerr Allain de ce monde. La personne moins connue qui n’est pas souvent invitée à la télé, c’est sûr qu’elle va avoir le couteau entre les dents. C’est sûr qu’elle va être drôle. »

Les Olivier, dimanche, 20 h, à ICI Télé