L’émission Plamondon : des mots qui résonnent présentée ce samedi soir sur Télé-Québec a plusieurs qualités. D’abord sa réalisation signée Christian Lalumière, puis le choix des interprètes qui sort des sentiers battus. Bravo ! On y retrouve Clay and Friends, Lydia Képinski, LUMIÈRE, Cindy Bédard, Salomé Leclerc, Matiu, Martha Wainwright, Fanny Bloom, Ariane Roy, ainsi que Mélissa Bédard, Laurence Jalbert et Bruno Pelletier.

Ne vous attendez pas à une grande présence de Plamondon. Il arrive à la toute fin pour un simple caméo. Quant à sa voix, elle provient d’extraits d’archives (émission de Monique Giroux notamment) dans lesquels il raconte l’origine des chansons présentées. Celle du Parc Belmont est bouleversante.

Chapeau à Alex McMahon d’avoir si bien mis au goût du jour les œuvres proposées (Les chemins d’été, Le parc Belmont, Call-girl, Cœur de rocker, Oxygène, Les uns contre les autres, L’amour existe encore, Des mots qui sonnent, Le blues du businessman, Le temps des cathédrales, Un garçon pas comme les autres, Hymne à la beauté du monde).

Je vous préviens, vous allez subir un petit choc. Les voix et les arrangements sont à des années-lumière des versions originales. Détail étonnant et décevant, ces fabuleux enregistrements ne se retrouveront sur aucune plateforme.

Vous l’aurez compris, on s’en est remis aux chansons archiconnues. L’admirateur pointu en moi déplore ici un manque d’audace. Malgré les centaines de créations de ce prolifique auteur, on revient toujours aux mêmes titres.

Pendant ce temps, des pépites comme Le tour du bloc, La bagomane, Vingtième étage, Cinq à sept, Week-end sur la lune, C’est ici que je veux vivre, Berceuse pour un homme, Partir pour la gloire, Je suis une femme d’aujourd’hui, Rond-Point, J’avais deux amants ou La chanteuse straight continuent de sommeiller.

Allez, les concepteurs, osez un peu ! « Faut qu’y en aye un qui l’fasse », comme l’a si bien dit Diane Dufresne !

Cet hommage à Plamondon (suivi d’une édition spéciale d’En direct de l’univers consacrée à la nouvelle équipe de Starmania) survient très exactement 50 ans après une incroyable période d’ébullition pour le parolier, titre qu’il revendique haut et fort.

En 1974, alors âgé de 32 ans, Plamondon sort d’une fertile période d’écriture avec les disques À part de ça j’me sens ben/Opéra cirque, le projet le plus audacieux de Diane Dufresne, Ce soir je fais l’amour avec toi qui fait chanter à Renée Claude Le monde est fou, de même que Fluffy, sans contredit le meilleur disque de Donald Lautrec (Le soleil est parti, Le mur derrière la grange, La marmotte).

Au milieu des années 1970, Plamondon est celui que les interprètes tentent de séduire pour lui soutirer des mots qu’il sait faire sonner grâce à une méthode dont il a le secret. André Gagnon lui a dit un jour qu’il écrivait des poèmes, pas des chansons. Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

PHOTO JEAN GOUPIL, ARCHIVES LA PRESSE

Nanette Workman, Luc Plamondon et Fabienne Thibault, en janvier 1979

À cette époque, Plamondon écrit avec une énergie hors du commun. Sa créativité semble sans fond. Il crée pour Denise Filiatrault, qui veut en mettre plein la vue avec l’émission Un show qui m’tente avec du monde que j’aime, la chanson On fait tous du showbusiness. Elle sera reprise en 1976 par Diane Dufresne dans Mon premier show.

Il signe aussi quelques nouveaux titres pour Renée Claude qui présente en octobre 1974 à la Place des Arts le spectacle Je suis une femme. Pauline Julien veut elle aussi sa part de Plamondon. Il lui fait Le voyage à Miami. Pierre Lalonde lève la main. Ça sera Une femme dans ma vie.

À cela s’ajoute le début de l’écriture des chansons du disque Sur la même longueur d’onde de Diane Dufresne sur lequel on trouvera des bombes : Les hauts et les bas d’une hôtesse de l’air, J’ai besoin d’un chum et Chanson pour Elvis.

C’est également durant cette période qu’il reçoit l’appel d’un certain Michel Berger. Le compositeur français lui propose de faire équipe avec lui pour créer un opéra rock. Le travail durera deux ans. Starmania sera créé sur scène à Paris en 1978.

Pendant qu’il élabore la trame de cette œuvre devenue mythique, des artistes français en profitent pour lui mettre le grappin dessus : Françoise Hardy (Flashback), Catherine Lara (Le dernier rendez-vous, Branche-toi sur moi) et Nicole Croisille (Tout le monde peut chanter sa chanson).

Cinquante ans après avoir connu cet incroyable tourbillon, Luc Plamondon a droit à la même ivresse avec le retour de Starmania au Québec et une tournée internationale de Notre-Dame de Paris. Du jamais vu !

Luc Plamondon se fait rare. Mais chaque fois que je l’ai aperçu ces derniers mois (il est généreusement ovationné lorsqu’il monte saluer le public), je l’ai senti heureux, tellement heureux.

Ce qui me renverse au sujet de Luc Plamondon, c’est que ce métier de parolier qu’il a voulu faire dès l’âge de 8 ans a été la seule occupation de sa vie. Alors que le monde des arts oblige souvent les créateurs à vendre leur âme au diable, à faire le clown dans plusieurs sphères, ce gars est toujours resté dans son sillon.

À notre époque, cela relève de l’exploit.

Plamondon : des mots qui résonnent, le 6 avril à 21 h et le 7 avril à 20 h, Télé-Québec

Avec Beau Dommage, c’était clair !

Quel beau moment de télé nous avons eu lundi soir dernier lorsqu’Anne-Marie Dussault a offert un 24/60 Hors-série en compagnie des membres de Beau Dommage venus souligner le 50e anniversaire de leur premier album. Michel Rivard, Marie Michèle Desrosiers, Michel Hinton, Robert Léger, Pierre Huet et Réal Desrosiers (seul Pierre Bertrand était absent) ont été généreux en anecdotes et en souvenirs. Mon moment préféré fut celui où Michel Hinton a dit : « Les chansons de Beau Dommage, on sait de quoi ça parle dès la première écoute. J’écoute des trucs aujourd’hui et je ne comprends rien. » Il n’a pas tort du tout. Cette émission sera rediffusée le 24 juin et sera ensuite offerte sur OHdio. Ne manquez pas ça.