Est-ce qu’on peut parler de consentement sans le consentement de la personne concernée ?

C’est ce que je m’apprête à faire et je sais que c’est délicat.

Mais il est impossible de ne pas revenir sur ce qui s’est produit lors de l’enregistrement de Sous écoute, la balado de Mike Ward, cette semaine.

Un lecteur, qui se décrit comme un grand consommateur d’humour, m’a écrit mercredi pour attirer mon attention sur les évènements.

« Dimanche soir à Sous écoute, les gars de La poche bleue (Guillaume Latendresse et Maxim Lapierre), deux anciens du Canadien, ont fait vivre énormément de choses négatives à Mike Ward, m’écrit-il. Attouchement non désiré entre autres. On parle de doigt sur le pénis, main sur les fesses, doigt dans le visage et la bouche. Ils lui ont fait des “bear hug » que je qualifierais de brutaux. Mike ne semblait pas à l’aise du tout, tout le long de l’épisode. Il a dit se sentir intimidé et même le staff a vérifié avec lui pendant l’épisode s’il était correct. J’ai été profondément choqué par ce que j’ai vu. »

L’humoriste a retiré la vidéo des réseaux sociaux depuis, mais des images circulent de plus en plus sur les réseaux sociaux. Et le lecteur m’a envoyé plusieurs extraits. Ce que j’ai vu mérite qu’on s’y attarde.

On y voit effectivement les deux animateurs de La poche bleue, visiblement très éméchés, tenir des propos déplacés à propos des organes génitaux de l’animateur.

Il n’y a pas de loi qui interdit l’imbécillité, mais quand la personne répète et insiste, ce genre de propos commence à ressembler à de l’intimidation.

Mais ce n’est pas ce qui m’a le plus fâchée.

Ce qui m’a sidérée, c’est de voir Lapierre et Latendresse toucher Mike Ward contre son gré.

Un des deux hommes a posé la main sur l’entrejambe de l’humoriste. Plus tard, ils l’ont saisi par-derrière, le tenant coincé entre leurs bras. Tout ça alors que Mike Ward était visiblement très mal à l’aise.

Bien sûr, les deux animateurs sont trop soûls pour capter les signaux de Mike Ward et comprendre qu’ils ont franchi la limite de ce qui est acceptable. C’est l’effet de l’alcool, ça brouille le jugement. On voit clairement que ce n’est plus un jeu, qu’on n’est plus dans l’humour. Bref, ça ressemble drôlement à une agression en direct, sous nos yeux.

IMAGE TIRÉE DE LA VIDÉO DIFFUSÉE PAR MIKE WARD

« Ils l’ont échappé, a dit Mike Ward dans une vidéo qu’il a diffusée mardi. Ils voulaient me montrer qu’ils étaient capables de boire comme des hommes, mais à la place, ils ont bu comme des enfants. »

Mike Ward a été très clair : il ne veut pas en faire un cas. « Ils l’ont échappé, a-t-il dit dans une vidéo qu’il a diffusée mardi. Ils voulaient me montrer qu’ils étaient capables de boire comme des hommes, mais à la place, ils ont bu comme des enfants. » Pour expliquer sa décision de retirer la balado, il a expliqué que Latendresse et Lapierre « n’avaient rien fait de mal », mais qu’ils avaient eu « l’air épais ».

Que Mike Ward ne veuille pas revenir sur l’incident, c’est son choix. Et s’il ne s’est pas senti agressé, ça lui appartient aussi. Mais ce n’est pas une raison pour banaliser ce qui s’est passé ce jour-là. Ce n’est pas vrai que Lapierre et Latendresse « n’ont rien fait de mal ». Ils ont touché quelqu’un sans son consentement.

Depuis le mouvement #metoo et les dénonciations qui ont suivi, on répète sans cesse le même message à propos du consentement et des violences sexuelles : l’importance d’être à l’affût des signaux de malaise ou de refus, le respect de la bulle de l’autre… On a expliqué ad nauseam que l’alcool n’était surtout pas un prétexte et une excuse pour justifier des gestes inacceptables.

Depuis la publication du dossier de ma collègue Léa Carrier sur les discours misogynes à l’école, on réitère l’importance de dénoncer les comportements toxiques et de sensibiliser les jeunes à leur propos.

Et voilà qu’on se retrouve face à des gestes très agressants en direct, gestes qui sont minimisés au nom de l’humour et de l’alcool qui coule à flots. On voudrait balayer l’incident sous le tapis sous prétexte que « boys will be boys… ».

Je le répète, je ne dirai jamais à Mike Ward ce qu’il doit penser ou comment il doit agir. S’il ne veut plus parler de l’incident, c’est son droit le plus strict.

Mais parlons des deux animateurs de La poche bleue, Guillaume Latendresse et Maxim Lapierre, deux anciens joueurs du Canadien de Montréal qui sont aujourd’hui analystes à TVA Sports. Latendresse a également siégé au comité de relance du hockey mis sur pied par le gouvernement Legault.

J’ai appelé l’agent des deux hommes, Louis-Philippe Dorais. Il m’a répondu par courriel que Latendresse et Lapierre s’étaient expliqués en ouverture de leur balado. J’ai écouté les excuses en question. Ça se résume à peu près à ceci : on a retiré le podcast par respect pour nos familles, il faut prendre tout ça avec un grain de sel, on tourne la page… Eh ben !

À mes oreilles, ces propos sont très problématiques. Si l’incident s’était produit dans leur salon, je n’écrirais pas cette chronique. Mais il s’est produit devant public, un public qui a été témoin de leur dérapage. Et au sein duquel se trouvent probablement de jeunes hommes qui admirent Latendresse et Lapierre.

D’où l’importance de redire à quel point ce type de comportement ne doit pas être toléré, qu’on soit un homme ou une femme, une vedette ou un illustre inconnu. Il faut le dénoncer haut et fort quand on en est témoin.