Vous avez plongé dans un lac rafraîchissant le week-end dernier, à des kilomètres de la moiteur étouffante de Montréal ?

Vous avez vécu un moment Nos étés, en excluant les domestiques, les lampes à l’huile et le vouvoiement entre conjoints.

Près de 20 ans après sa sortie sur les ondes de TVA, l’ambitieuse saga historique Nos étés, un classique de notre patrimoine télévisuel, renaît sur la plateforme Amazon Prime Video, qui offre les quatre saisons en français.

Cette foisonnante minisérie, qui raconte les vacances estivales de bourgeois montréalais dans le Bas-du-Fleuve sur un siècle complet, cadre parfaitement avec cette période chaude où l’on rêve tous d’un chalet douillet, d’un quai au coucher de soleil, d’un litre de rosé perlant et d’un plan d’eau transparente.

J’avais adoré Nos étés à l’époque et je redécouvre, grâce à Amazon Prime Video, le panache, le romantisme et la témérité de ses 29 épisodes. C’était audacieux, en 2005, de démarrer un projet aussi touffu et compliqué, qui suivait six femmes fortes ayant habité le même manoir d’été – Les Salines – entre 1900 et aujourd’hui.

Le récit se déployait avec des sauts dans le futur, des retours en arrière et même des prémonitions, ces séquences oniriques où un personnage féminin croisait ses aïeules ou ses descendantes vêtues de rouge. Il s’agissait, en fait, d’un fil d’entraide entre ces six femmes liées par le sang et la résidence des Salines.

Le narrateur changeait également d’un épisode à l’autre. « Nos étés, c’est mon coup de cœur professionnel. C’était très ambitieux comme structure narrative. C’était un gros bateau. Ce fut une belle expérience d’écriture et un défi très amusant », se souvient Michel d’Astous, qui a coécrit et coproduit Nos étés avec sa complice Anne Boyer, à qui l’on doit aussi Ma mère, Mon fils, L’heure bleue et un paquet d’autres émissions populaires.

Nos étés débute à l’été 1900, à Cap-sur-Mer, un village fictif inspiré de Saint-Fabien-sur-Mer, près du parc national du Bic. Le commerçant John Marivale-Desrochers (Jean-François Pichette) achète un bout de terre à la famille Belzile, les cultivateurs du coin, et y fait construire une somptueuse maison d’été, le rêve de sa femme Maria Brabant (Sophie Prégent). Cette demeure, baptisée Les Salines, se passera de mère en fille jusqu’à l’époque contemporaine, soit 2007.

À Cap-sur-Mer, les Belzile, très pauvres, travaillent pour les Desrochers, les riches Montréalais qui débarquent avec leurs immenses malles, leur jeu de croquet en bois, leurs transats de plage et leur cuisinière Bernadette (Pierrette Robitaille). Au fil des quatre saisons, les destins tragiques des Belzile et des Desrochers se croisent dans la mort, l’adultère et le viol, entre autres. La bonne des Desrochers, Rachel (Karyne Lemieux), dite la maudite sauvage ou la squaw, jouera un rôle clé dans la suite de ce feuilleton qui couvre sept étés précis, ceux de 1900, 1915, 1922, 1930, 1939, 1952 et 1966.

Et chacun des étés disposait de son propre réalisateur : Lyne Charlebois, Francis Leclerc, Alain Desrochers, Philippe Gagnon, Nicolas Monette, Jean-François Asselin et Sophie Lorain, qui ont tourné les scènes près du fleuve Saint-Laurent à Kamouraska, où une coquille vide du manoir des Salines a été érigée.

Quand Michel d’Astous et Anne Boyer ont présenté Nos étés à TVA, ils n’avaient pas tracé l’imposant arbre généalogique de leur série, dont les branches recouvraient six générations. C’est simple, à peu près tout le bottin de l’Union des artistes (UDA) a joué dans Nos étés, dont Marie-Chantal Perron, Patrick Labbé, Julie Le Breton, David Boutin, Marc-André Grondin, Sarah-Jeanne Labrosse, Sébastien Ricard, Sylvie Drapeau, Julianne Côté, Gilles Renaud, Louise Portal, Mylène St-Sauveur, Sébastien Huberdeau et Isabelle Blais.

Fanny Mallette a marqué les téléspectateurs en interprétant la difficile Nora, fille unique de John et de Maria, une femme boiteuse, mariée à un médecin alcoolique, qui rêvait d’écrire dans son pavillon sur le domaine familial. D’ailleurs, chacune des six héroïnes de Nos étés possédait un talent artistique, qu’il s’agisse du piano, de la peinture ou du chant.

Relayée par TVA entre 2005 et 2008, Nos étés a toujours dépassé le million en cotes d’écoute. La première saison, la meilleure, à mon avis, a été vue par 1 464 000 téléspectateurs. Chacun des chapitres renferme huit épisodes sauf le deuxième, qui a été réduit à cinq heures. « TVA n’avait plus les moyens de faire une saison complète et nous, on ne voulait pas courir le risque de sauter une année », se souvient le scénariste et producteur Michel d’Astous.

Et pour une minisérie historique aussi costaude, le budget alloué n’a pas été astronomique, on parle ici d’entre 800 000 $ et 900 000 $ l’heure. Dix ans avant Nos étés, la série Marguerite Volant avait été fabriquée à 1 million l’heure chez Radio-Canada.

Choc des classes sociales couché sur de grands évènements historiques (krach boursier, deux guerres mondiales, révolution sexuelle), il y avait déjà un côté Downton Abbey dans Nos étés. Sans oublier les relations torrides entre le petit personnel et le grand monde, les récitals de piano et la belle vaisselle chère !