Malgré cinq ans d’attente et une enveloppe qui dépasse maintenant les 116 millions, le nouveau Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) n’augmentera la superficie de ses salles d’exposition que de 28 %, révèle Le programme de construction obtenu par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Les salles d’exposition du bâtiment actuel ont en effet une superficie totale de 2485 m⁠2. Une fois la transformation du musée terminée, leur superficie passerait à 3191 m⁠2, soit une hausse de 28 %, apprend-on dans le document, qui détaille l’ensemble du projet immobilier du MAC – l’équivalent du Programme fonctionnel et technique (PFT).

Quant à la collection permanente, impossible de savoir combien d’œuvres additionnelles pourront être intégrées dans ces nouveaux espaces.

La direction du MAC martèle pourtant depuis des années qu’elle cherche à « doubler au minimum l’espace d’exposition », peut-on lire dans le Programme de 130 pages – partiellement caviardé – obtenu de la Société québécoise des infrastructures (SQI), qui gère le projet.

Pour y parvenir, le MAC ajoute dans ses calculs les halls et autres espaces de circulation du futur bâtiment, qu’il a baptisés des « aires d’exposition », une nuance importante. La direction estime qu’une surface de 1525 m⁠2 de ces aires ouvertes publiques pourrait servir de lieux d’exposition.

« Une des raisons de la transformation du musée est de répondre aux demandes variées des démarches artistiques d’aujourd’hui, soutient Jennifer Dorner, directrice générale adjointe du MAC, qui supervise les travaux. Il y a beaucoup d’artistes qui travaillent en performance, qui créent des installations numériques, il y a plusieurs formes d’art contemporain ouvertes, donc on voulait créer des espaces avec plus de flexibilité, au-delà des salles traditionnelles. »

PHOTO FOURNIE PAR JENNIFER DORNER

La directrice générale adjointe du Musée d’art contemporain de Montréal, Jennifer Dorner

Expositions à aires ouvertes

Étrangement, le MAC évalue dans son Programme de construction qu’aucune « aire d’exposition » n’existe dans le bâtiment actuel. Or, le hall qui mène aux salles, ainsi que la rotonde, ont toujours servi de lieu temporaire d’exposition par le passé. Même de façon parcellaire. On n’a qu’à penser à la dernière Triennale d’art contemporain ou aux expos de Rafael Lozano-Hemmer, Janet Werner ou de Lesley Johnston, qui avait commissarié l'expo Les lendemains d'hier, pour ne nommer que celles-là.

Comment se fait-il que le MAC n’en tienne pas compte dans ses calculs ? « Même si nous exposions des œuvres dans ces espaces publics, la SQI ne les considère pas comme des aires d’exposition, nous dit Jennifer Dorner, parce qu’ils ne répondent pas à certains critères techniques. Les nouvelles aires d’exposition [ouvertes] seront conçues pour accueillir des expositions temporaires, il y aura un système d’accrochage, un système d’éclairage, une flexibilité pour aménager l’espace, donc ces aires-là seront très bien circonscrites. »

Depuis qu’il a présenté son plus récent projet de transformation – réalisé par les firmes d’architectes Saucier+Perrotte et GLCRM –, le MAC combine l’espace de ses salles et de ses aires d’exposition sans distinction.

Le 16 juin dernier encore, dans une entrevue accordée au quotidien Le Devoir, le directeur général du MAC, John Zeppetelli, affirmait : « Je crois que nous doublons mathématiquement notre espace d’exposition. Tous les nouveaux espaces sont de qualité muséale. » Une affirmation reprise plusieurs fois par le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe.

MAQUETTE FOURNIE PAR LES FIRMES D’ARCHITECTES SAUCIER+PERROTTE/GLCRM

Vue intérieure du musée et de ses aires d’exposition publiques

Mais comme l’indique Le programme de construction, contrairement aux aires ouvertes, les salles d’exposition sont conçues selon des exigences muséales strictes : contrôle de la température, de l’humidité et de la lumière, essentiellement. Un environnement nécessaire pour exposer la majorité des peintures, dessins, photographies et textiles de la collection permanente et des œuvres empruntées d’autres musées.

C’est vrai qu’on ne double pas notre surface dans des conditions muséales, mais ça nous permet quand même d’augmenter de manière significative le potentiel de nos expositions temporaires et de notre collection. Donc moi, je suis à l’aise quand on dit qu’on va doubler notre espace d’exposition.

Jennifer Dorner, directrice générale adjointe du Musée d’art contemporain de Montréal

Et la collection permanente ?

Le MAC déplore par ailleurs dans son Programme de construction le fait que seulement 1,5 % des 7800 œuvres de sa collection permanente sont actuellement exposées.

Le musée se fixe ainsi l’objectif de « rehausser la présentation de sa collection ». Mais sachant qu’une bonne partie de ces œuvres doivent être exposées dans des conditions muséales et que le gain des salles n’est que de 28 %, combien d’œuvres additionnelles de la collection permanente du MAC pourront être exposées ? Surtout si l’un des objectifs du musée est de présenter dans son nouveau bâtiment « plus d’une exposition temporaire à la fois » ?

« C’est difficile de répondre à cette question, affirme Jennifer Dorner, parce que les œuvres de notre collection permanente ont des dimensions très variées. Mais on pourra exposer certaines d’entre elles dans les aires d’exposition. Je pense à des sculptures ou à des installations multimédias, entre autres. Par contre, on n’a pas d’objectif chiffré. Cela dit, on va continuer de faire des acquisitions, on est rendus à plus de 8000 œuvres. »

Paradoxalement, on apprend que l’espace réservé « au rangement, à l’emballage, au transit et à la restauration » des œuvres de la collection permanente diminue dans les nouveaux plans, passant de 2616 m⁠2 à 2038 m⁠2. « Oui, mais ce sera encore possible de poursuivre nos activités d’acquisition, on trouve toujours des solutions », répond simplement Jennifer Dorner, qui a été embauchée par John Zeppetelli il y a moins d’un an.

Quant aux expositions vidéo ou multimédias, pourtant de plus en plus nombreuses à être présentées par le MAC, la salle actuelle consacrée à cette forme artistique est remplacée par un plus petit espace. Selon Le programme de construction du nouveau MAC, la superficie totale de la salle multimédia passerait de 179 m⁠2 à 140 m⁠2.

« C’est vrai, mais ça ne change ni la nature ni la fonction de l’espace, se défend Jennifer Dorner. C’est un espace qui est utilisé principalement pour projeter des vidéos en complément des expositions, mais le changement nous permet d’intégrer un bloc sanitaire avec des toilettes universelles et non genrées. Nos installations vidéo pourront aussi être présentées ailleurs, dans les salles ou les aires d’exposition. »

Valoriser l’éducation

Autre objectif du MAC avec son projet de transformation : « l’augmentation et l’amélioration des espaces dédiés à l’éducation », un des mandats de la société d’État. Sur ce point, le MAC réalise des gains puisque l’espace consacré aux activités éducatives et autres ateliers augmente de plus de 50 %, passant de 422 m⁠2 à 638 m⁠2.

Que compte faire la direction du MAC avec ce nouvel espace ? « On veut vraiment mettre l’accent sur l’engagement communautaire, la médiation culturelle et les visites scolaires, donc c’est vraiment notre mission en éducation qui va être augmentée, insiste Jennifer Dorner. Il y a des médiateurs en ce moment et nous avons un plan pour augmenter nos effectifs dans les prochaines années, notamment pour embaucher un médiateur de la communauté autochtone. »

Enfin, une salle multifonctionnelle pouvant accueillir 200 personnes est présentée comme un espace pouvant être loué pour des activités d’entreprise ou des activités du Quartier des spectacles. Cet espace pourrait accueillir des conférences, des projections ou des expositions itinérantes, lit-on dans le Programme, un espace jouissant « de conditions muséales », est-il spécifié.

Plus de revenus autonomes

La direction du musée insiste par ailleurs sur l’importance de revoir complètement la façade « opaque » du musée, de manière à « améliorer la visibilité de l’entrée principale ». Elle déplore le fait que le musée s’est « coupé de l’activité extérieure du centre-ville ». D’où les surfaces vitrées du revêtement extérieur et la volonté du MAC d’intégrer le nouveau bâtiment au paysage urbain actuel du Quartier des spectacles. « On veut faciliter l’accès du public au musée », précise Jennifer Dorner.

L’objectif du MAC de « générer davantage de revenus autonomes » est exprimé clairement dans le Programme de construction. Ainsi, certains espaces clés doublent de superficie : la boutique-librairie du musée et le restaurant et le bar du MAC, qui auront tous deux un accès direct de l’extérieur.

La Société québécoise des infrastructures, qui gère le projet de transformation du MAC, a lancé un nouvel appel d’offres vendredi dernier. Les travaux pourraient ainsi débuter au printemps 2024. Si le processus aboutit (contrairement à l’appel d’offres de 2022, interrompu en cours de route), il faudrait compter 28 mois avant qu’ils soient terminés, selon la direction du musée. La réouverture complète n’aurait pas lieu avant 2027.

L’histoire jusqu’ici

2018 : Le MAC présente son plus récent plan de transformation réalisé par les firmes d’architectes Saucier+Perrotte et GLCRM Architectes. Le projet est évalué à 44 millions. Il sera majoré à 57 millions en 2019.

2021 : Le MAC déménage à la Place Ville Marie dans l’espoir de voir les travaux débuter l’année suivante, mais le processus d’appel d’offres n’est pas encore entamé. La collection permanente est verrouillée.

2022 : La Société québécoise des infrastructures (SQI) fait un premier appel d’offres au printemps avec une enveloppe de 85,3 millions. L’appel d’offres, fractionné en 25 lots, est annulé au mois de juin, le coût étant jugé trop élevé.

2023 : Les deux ordres de gouvernement, fédéral et provincial, allongent 56 millions additionnels, faisant passer le budget total du projet de transformation à 116,5 millions.

En savoir plus
  • 330 m⁠2
    Nouvelle superficie de la boutique-librairie du musée, elle qui est actuellement de 167 m⁠2.
    source : PROGRAMME DE CONSTRUCTION, Transformation du Musée d’art contemporain de Montréal
    200
    Capacité maximale de convives dans le nouveau restaurant-bar du MAC. La superficie passera de 226 m⁠2 à 496 m⁠⁠2.
    source : PROGRAMME DE CONSTRUCTION, Transformation du Musée d’art contemporain de Montréal